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Notger, évêque et prince
15/01/2014
À la fois fin politique, haut dignitaire ecclésiastique, et homme de culture, l’incontournable Notger était au coeur d’un colloque organisé à l’Université de Liège en 2008, à l’occasion du millénaire de son décès. Suite à cette rencontre, les apports des différents chercheurs, issus d’institutions belges mais aussi étrangères, ont été synthétisés au sein d’un imposant ouvrage : Evêque et prince, Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an mil. Dirigés par Jean-Louis Kupper, professeur ordinaire émérite d’histoire du Moyen-Age à l’Université de Liège, et par Alexis Wilkin, chercheur qualifié FNRS/FRS à l’Université Libre de Bruxelles et maître de conférences à l’Université de Liège, ces actes de colloque apportent un éclairage nouveau sur cette période essentielle de notre histoire.
Figure tutélaire du panthéon épiscopal liégeois, le prince-évêque Notger étale son nom dans tous les manuels scolaires de la région. Depuis la parution en 1905 de la remarquable synthèse de l’historien Godefroid Kurth, Notger de Liège et la civilisation au Xe siècle, le profane pouvait croire le sujet définitivement épuisé. Or, comme le précise l’introduction de Evêque et prince, Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an mil (1), ce domaine continue à faire l’objet de recherches, et ces dernières années ont vu s’enrichir nos connaissances sur cette importante personnalité liégeoise et le contexte dans lequel il a évolué. Jean-Louis Kupper revient sur cette évolution depuis 1905 : « Il devenait nécessaire de relire les sources, de les relire avec un regard neuf. [...] La problématique avec laquelle on aborde ces documents est différente de celle d’il y a un siècle, elle s’est enrichie. En ce qui concerne l’épiscopat de Notger, on n’a pas réellement trouvé de documents nouveaux et essentiels, mais il n’empêche qu’il y a quelques découvertes et mises à jour. Parmi les données qui avaient échappé à Kurth, plusieurs concernent par exemple les voyages de Notger en Italie : on a retrouvé certains documents qui portent – ce qui est assez exceptionnel – la signature autographe de Notger, et qui permettent de mieux comprendre le rôle de l’évêque sur le sol italien, où il représentait l’autorité impériale. Ceci étant dit, l’ouvrage de Kurth reste un travail réellement important, que le colloque ne vient pas remplacer. »
Cet intérêt scientifique sans cesse renouvelé permet aujourd’hui de retracer assez fidèlement le parcours de Notger : membre d’une famille noble des environs de Saint-Gall, au coeur de la Suisse alémanique, sa famille a fourni au célèbre monastère des protecteurs laïcs ainsi que des moines – dont Notger faisait partie, a contrario de ce qu’avait soupçonné Godefroid Kurth. La parenté entre le haut lieu intellectuel que constituait alors Saint-Gall et le centre d’enseignement reconnu que deviendra la Cité ardente sous l’épiscopat de Notger n’est d’ailleurs pas anodine, et mérite d’être soulignée. En intégrant le cercle des proches de l’archevêque Brunon de Cologne, frère de l’empereur de Germanie Otton Ier, le moine Notger se rapproche de la cour impériale. Cette dernière orchestre, en 972, son installation à la tête du diocèse mosan – sans réellement respecter « la volonté du clergé et du peuple », qui était censée prévaloir lors de toute élection d’évêque. Ce parcours n’est cependant en rien atypique : comme l’explique Jean-Louis Kupper, d’autres personnages, dont l’archevêque Egbert de Trèves, ont suivi une trajectoire relativement similaire. D’autres aspects de sa biographie, comme ses multiples voyages en Italie ou la destruction de la réputée imprenable forteresse de Chèvremont, contribueront à nourrir la légende entourant Notger.
Au-delà de son ascension au sein des hautes sphères impériales, c’est avant tout en sa qualité de prince-évêque que Notger est connu du grand public. En reconstruisant la cathédrale Saint-Lambert, en achevant les collégiales Saint-Paul et Saint-Martin, et en leur adjoignant celles de Saint-Denis, Sainte-Croix, et Saint-Jean-l’Evangéliste, Notger a en effet posé les fondations de l’évêché liégeois tel que nous le connaissons. Mais c’est la donation du comté de Huy en 985, par Otton III, qui adjoint à son autorité d’évêque celle de prince – quoique, comme nombre de ses successeurs, il ne porte de son vivant que le premier de ces deux titres. Ce double visage, à la fois de prince et d’évêque, correspond à ce que les spécialistes appellent « le système de l’Eglise impériale ».
(1) KUPPER, J.-L., et WILKIN, A., Evêque et prince, Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an mil, Presses Universitaires de Liège, Liège, 2013.
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