Ces quelques incursions des actes du colloque en dehors des murs liégeois – qui ne sont pas les seules relatées dans l’ouvrage – permettent au lecteur non seulement de comprendre le contexte dans lequel évoluait le prince-évêque, mais aussi de mieux saisir l’influence de la principauté de Liège sur l’échiquier de la Basse-Lotharingie. L’ouvrage s’intéresse ainsi et notamment à la prospérité économique du Diocèse et à l’organisation de la propriété foncière dans cet espace (Olivier Bruand, Jean-Pierre Devroey, Alexis Wilkin), aux tensions politiques qui traversent la Lotharingie (Régine Le Jan, Michel Margue), aux parallèles cambraisiens et utrechtois relatifs à la vie de l’Église impériale (Charles Mériaux et Rolf Grosse), ainsi qu’à ses relations avec la ville d’Aix-la-Chapelle (Ludwig Falkenstein), à la circulation de modèles liturgiques (Florence Close) et des manuscrits (Fabrizio Crivello) depuis les espaces voisins, ou aux interactions entre l’évêque et l’abbaye de Stavelot-Malmédy (Nicolas Mazeure). De quoi, en somme, appréhender pleinement la richesse et complexité des temps et du personnage…

Une exception historiographique

Dix siècles après son temps, la figure de Notger continue à susciter l’intérêt des scientifiques comme du grand public. Outre la pérennité de l’empreinte qu’il a laissé sur Liège et ses environs, il bénéficie également, comme le souligne le professeur Philippe Raxhon de l’Université de Liège, d’une forme d’exception en matière historiographique. En effet, malgré son statut de prince-évêque, il a échappé aux querelles d’interprétation qui opposaient habituellement les cléricaux et les anti-cléricaux. Si son appartenance au monde ecclésiastique satisfaisait les historiens catholiques, sa politique visionnaire et résolument moderne se rapprochait également des valeurs défendues par les libéraux. Jean-Louis Kupper évoque cette aura qui enveloppe la figure de Notger : « L’évêque Notger est relativement bien connu, même de façon populaire. À l’heure actuelle, il est surtout célèbre car il aurait pris la forteresse de Chèvremont par le biais de la ruse et l’aurait rendue à Liège. [...] Cette célébrité est méritée, car Notger est une personnalité très intéressante des environs de l’an mil. Quand on étudie la liste des évêques de Liège, on s’aperçoit qu’il est incontestablement le plus remarquable d’entre eux, avec Erard de la Marck au début du XVI^ème siècle. Premier prince-évêque de Liège, « aimé de Dieu et des historiens », Notger occupe une place unique dans l’histoire liégeoise. Une place qui se dessinait déjà au XI^ème siècle, lorsque la Vita Notgeri osait cette formule désormais célèbre : « Liège, tu dois Notger au Christ et le reste à Notger ».