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Notger, évêque et prince
1/15/14

Cette remise en service d’un ancien bras de la Meuse au pied du Publémont n’est qu’un exemple parmi d’autres de la marque que Notger laisse sur la ville. Celle-ci passe également par la construction de nombreux édifices, notamment religieux. Outre ses interventions au niveau des murs d’enceinte de Liège et du palais épiscopal, Notger fait bâtir les églises Saint-Jean et Sainte-Croix à des emplacements stratégiques, dessinant ainsi un Calvaire dans le centre de la ville. Cet urbanisme, fondé sur le culte de la Croix et rappelant la fameuse colline du Golgotha, se vérifie dans plusieurs autres villes en Basse-Lotharingie – dont Verdun, où l’évêque Haymon s’inspire du modèle liégeois pour réorganiser les églises autour de la cathédrale (F. Hébert Suffrin et Anne Wagner ; Christian Sapin).

Au-delà de l’eau et des pierres, l’influence de Notger se fait également sentir dans la sphère intellectuelle. Très cultivé lui-même (Mr C. Bayer lui attribue la paternité de plusieurs œuvres hagiographiques, et J. Webb discute dans l’ouvrage de son rôle comme commanditaire d’œuvres historiographiques), son épiscopat coïncide notamment avec un large rayonnement de l’enseignement liégeois. Auparavant, l’évêque Rathier (même s’il ne dirige le diocèse de Liège que durant quelques années) et Eracle avaient déjà posé les fondations d’un enseignement de qualité à Liège. À leur suite, Notger favorise le développement de cette école – qui vaut à la ville les surnoms «d’Athènes du nord» et de «nourrice des arts» – et renforce également d’autres centres intellectuels sur son territoire, dont celui du monastère de Lobbes. Ces écoles épiscopales, dites aussi «de cathédrale», abordent non seulement les sept arts libéraux – répartis entre le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le quadrivium (arithmétique, musique, astronomie, géométrie) –, Eglise Sainte Croixmais s’intéressent également à d’autres domaines, comme le droit par exemple. Julien Maquet, chercheur au département des sciences historiques de l’ULg, insiste sur la particularité du système juridique à partir de Notger : aux mesures qu’avait déjà le droit de prendre l’évêque s’ajoutent, dès l’obtention du comté de Huy en 985, les prérogatives comtales. Doté de ce double pouvoir, le prince-évêque est peu ou prou en mesure de juger l’ensemble des litiges, qu’ils relèvent du domaine religieux ou civil.

Extra muros

Qu’elle soit matérielle ou intellectuelle, la politique du prince-évêque a durablement modelé la ville de Liège. Mais loin de se focaliser uniquement sur la figure de Notger, les différents articles de l’ouvrage abordent également les liens étroits unissant Liège et d’autres diocèses – esquissant au passage le portrait de plusieurs personnalités marquantes de l’an mil. Le destin du prince-évêque liégeois croise notamment celui de Gerbert d’Aurillac (Pierre Riché ; Yves Sassier) : un temps dirigeant de l’école épiscopale de Reims sous l’archevêque Adalbéron, il devient pape à la fin du Xème siècle sous le nom de Sylvestre II. Notger est également étroitement lié aux évêques de Cambrai, bien que cette ville ne soit pas inclue dans son territoire : il y pousse notamment la candidature d’un certain Rothard, ancien prêtre à Liège. Plus encore, Notger écrit une importante page d’histoire à l’abbaye de Lobbes, une des institutions monastiques les plus puissantes de la Basse-Lotharingie à cette époque. Quoique située dans le diocèse de Cambrai, elle est étroitement liée à la cité liégeoise et possède, comme cette dernière, une des écoles les plus influentes de l’Empire. L’intervention de Notger y est cruciale et épineuse : dès son élection, une de ses premières tâches est d’arbitrer le conflit qui oppose deux abbés de Lobbes, Folcuin et Rathier (cf. le chapitre d’Alain Dierkens). Le premier, ordonné à Cologne en 965, voyait la direction de l’abbaye lui échoir de droit. Le second, figure brillante ayant reçu à plusieurs reprises la charge d’évêque (notamment à Liège), jouissait d’appuis précieux qui lui avaient permis de supplanter Folcuin à la tête de Lobbes en 971. Dès l’année suivante, il revient à Notger de trancher entre ces deux personnalités : il décide de rétablir Folcuin dans ses fonctions et de doter Rathier de revenus substantiels, dont il devrait jouir dans une des dépendances de l’abbaye.

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