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Biopesticides : une protection plus naturelle pour les cultures
23/01/2014

« Il est important d’obtenir un produit extrêmement pur à partir de la fermentation, précise Marc Ongena. Car, comme pour les produits phytopharmaceutiques conventionnels, les biopesticides se doivent d’afficher  dans les procédures d’homologation une composition claire et transparente jusqu’à la dernière molécule ». A l’heure actuelle, ce bioréacteur, si efficace soit-il, occupe un volume très restreint et ne peut fournir que quelques milligrammes de molécules par jour. A terme, et grâce à cette production en continu, il est appelé à passer à un échelon  semi-industriel et à produire alors plusieurs grammes par jour. Telle est la mission principale de la spin off « Lipofabrik », mise sur pied au printemps dernier par le partenaire lillois du projet.

Bioréacteurs labo pilote

Le cosmétique et l’agroalimentaire intéressés

L’intérêt de ces découvertes dépasse le strict champ des applications phytopharmaceutiques. Intéressées par les propriétés surfactantes/tensioactives et antimicrobiennes de ces molécules, plusieurs firmes actives dans l’agroalimentaire et le cosmétique ont déjà noué des contacts avec les acteurs de « Phytobio ». Car les lipopeptides peuvent, par exemple, aider à la fabrication de la texture idéale pour les crèmes et onguents (tout en ayant un effet antiseptique).  Est-ce à dire, à ce stade, que les lipopeptides présentent nécessairement une toxicité (pour l’homme) et une écotoxicité (pour l’environnement) plus faibles que les molécules synthétiques utilisées dans les pesticides classiques ? « On ignore encore tout de la toxicité pour l’homme, reconnaît Marc Ongena. Mais nous pouvons raisonnablement être très optimistes. En effet, du fait que ces molécules sont naturelles et offrent une structure de type peptides acides gras, on sait déjà qu’elles sont facilement biodégradables, développant une rémanence très faible dans les fruits, légumes, céréales, etc ».

Quant à l’écotoxicité, le chercheur liégeois reconnaît que l’équipe d’Interreg nourrissait a priori quelques craintes à ce sujet, du fait que ces molécules amphiphiles surfactantes peuvent s’assimiler à des détergents. Or les premiers tests d’écotoxicité ont de quoi apaiser. Les lipopeptides testés - tant les Surfactines que les Iturines et Fengycines -  sont jusqu’à plusieurs milliers de fois moins toxiques que beaucoup de molécules synthétiques. « Nous commençons à comprendre que ces molécules développent un pouvoir antibiotique très spécifique. L’Iturine, par exemple, est un puissant agent antifongique, très efficace pour faire éclater la membrane cellulaire de certains champignons. Mais elle n’affecte que très peu les bactéries ou d’autres variétés de champignons. Ces molécules ne sont donc en rien assimilables à des « marteaux piqueurs » aveugles. En cela, elles s’annoncent extrêmement prometteuses pour des applications ciblées ».

Une réduction appréciable de la chimie

Ce n’est pas tout. Ces travaux, qui s’achèveront en mars 2014, laissent entrevoir la possibilité de mettre au point des biopesticides renfermant plusieurs lipopeptides, chacun ayant son mode d’action spécifique. Ainsi, les uns pourraient lutter directement contre le pathogène et les autres renforcer l’immunité de la plante. Une sorte d’action multiple qui réduirait à néant les mécanismes d’adaptation et de résistance, bien connus chez les végétaux traités aux pesticides classiques. « En raison des longs délais nécessaires avant toute homologation, il faudra peut-être encore quelques années avant que ces nouvelles molécules soient utilisées en routine par les agriculteurs. Probablement les utiliseront-ils en complément ou en alternance avec les pesticides chimiques. Mais si le recours à ces derniers est réduit de 40%, voire 60% ou plus, ce serait déjà un progrès immense ».  Et de glisser modestement que, si ces lipopeptides en tant que molécules bactériennes devaient arriver au stade de la commercialisation, ce serait - ni plus, ni  moins- une première mondiale…

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