Fabriqués à partir d’organismes vivants ou de produits dérivés de ceux-ci, les biopesticides sont de plus en plus appelés à compléter, voire à remplacer, les pesticides de synthèse. Après trois ans d’efforts, une équipe emmenée par les universités de Liège (Gembloux Agro-Bio Tech), de Gand et de Lille, vient d’affiner les connaissances scientifiques sur une « famille » bien spécifique de molécules naturelles: les lipopeptides. Au point que leur production à l’échelle industrielle, demain ou après-demain, pourrait constituer une première mondiale.
En matière de protection des cultures, l’avenir n’est probablement plus aux pesticides de synthèse. Certes, ceux-ci ne disparaîtront évidemment pas du jour au lendemain de l’arsenal des cultivateurs. Ils risquent néanmoins de laisser progressivement la place à des produits plus naturels, capables de venir à bout des agents pathogènes - insectes, nématodes, champignons, bactéries… - qui, classiquement, font les cheveux blancs des agriculteurs, tout en évitant les effets pervers bien connus. Rémanence dans les sols et les nappes phréatiques, résistance des parasites (forçant à augmenter les doses ou à utiliser sans cesse de nouvelles molécules), problèmes de santé pour les utilisateurs (voire pour les consommateurs finaux) : telles sont les factures écologiques et sanitaires que la société est de moins en moins prête à payer.
Le monde de la recherche n’est pas resté les bras croisés face à cette évolution. Depuis plusieurs années, des équipes se sont spécialisées dans la mise au point de pesticides fabriqués à partir d’êtres vivants ou de produits dérivés d’organismes vivants, espérant qu’ils se dégradent - vite et bien ! - après leur mission de destruction de l’agent pathogène. Et ça marche ? Oui ! Quoiqu’encore modeste (2,5 % du marché mondial des pesticides en 2008), le marché des biopesticides en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord progresse en moyenne de 5 à 8 % chaque année.
Deux bacilles très prisés
Parmi les succès engrangés à ce stade figure l’exploitation des propriétés de certaines souches bactériennes proliférant dans la rhizosphère des plantes, c’est-à-dire la partie du sol directement en contact avec la racine. C’est grâce à ces souches, notamment Bacillus subtilis et Bacillus amyloliquefaciens, qu’on peut déjà trouver dans le commerce des biopesticides capables de réduire l’incidence des pathogènes, soit en les inhibant directement, soit en renforçant le système immunitaire des plantes (via la production d’« éliciteurs »).
![Bacillus. Bacillus]()
Mais il y a un hic : l’efficacité de ces bacilles est tout sauf constante. Elle peut varier en fonction de facteurs aussi nombreux que la température, l’hygrométrie, la composition du sol et, bien sûr, la nature des plantes à protéger. « Bacillus étant un organisme vivant, il subit l’influence de nombreux facteurs environnementaux dont on ne connaît pas nécessairement l’impact, explique Marc Ongena, chercheur qualifié FNRS et spécialiste des biopesticides à Gembloux Agro-Bio Tech (ULg). Ce n’est pas que cette bactérie meurt, mais toutes les observations empiriques montrent qu'elle perd de son efficacité dans certaines circonstances. Les mécanismes d’action expliquant cette perte d’efficacité peuvent, certes, être mis en évidence par des études physiologiques, mais celles-ci sont longues et complexes ».