Quel régime patrimonial pour la propriété intellectuelle ?
Une notion pour protéger les créateursIl n’est pas ici question de s’étendre sur la légitimité de la notion de propriété intellectuelle. Mais une petite remise en contexte préalable peut être bienvenue. La notion de propriété intellectuelle a été consacrée à la suite de la Révolution française. Avant cela, les créateurs et inventeurs, ou plus souvent leurs cocontractants (éditeurs), jouissaient déjà d’une forme de protection suivant le régime des privilèges. Techniquement, la portée de ces privilèges n’était pas bien différente, puisqu’ils accordaient à ces personnes l’exclusivité de l’exploitation de leurs créations. Ces privilèges, cependant, ne participaient pas d’une égalité des personnes devant le droit puisqu’ils étaient concédés par le souverain de manière relativement arbitraire. « A la révolution française, rappelle le juriste, le système des privilèges est balayé sous toutes ses formes. Mais on s’est très vite rendu compte que l’on ne pouvait se passer d’un système de monopole, de protection des œuvres contre le pillage et la contrefaçon. » Ce système, s’inscrivant dans la pensée des Lumières, n’est plus conçu comme un privilège attribué par le Prince. On parle alors de « propriété ». L’évolution est de taille. « La notion de propriété permet aux législateurs d’insister sur le fait qu’il s’agit d’un droit naturel. L’Homme a par nature droit à la protection de sa création. Le législateur, dans cette conception, ne vient que constater ce droit naturel et l’organiser. » Depuis deux siècles, cette qualification est constamment mise à mal puis défendue, écartelée dans un mouvement de balancier. Elle l’est encore aujourd’hui, notamment au sein des débats houleux qu’inspirent Internet et les technologies numériques. Ceux qui veulent renforcer les droits intellectuels, et ainsi protéger de façon stricte les créations, s’appuient sur la notion de propriété, qui tend à légitimer cette protection. Les autres parlent plutôt de « monopole » ou de « privilège » (le terme n’a pas disparu avec l’Ancien Régime !). Ils opposent au souci de protection patrimoniale et à la notion de paternité d’une œuvre revendiquée par une seule personne, l’intérêt du public, du plus grand nombre. Ils tentent ainsi d’éroder ce droit pour privilégier l’accès aux œuvres par tous. Cette discussion constante tourne philosophiquement autour d’une question délicate : « Le droit protégeant la propriété intellectuelle est-il légitime, ou au contraire, doit-il être réinterprété au profit du plus grand nombre ? » Exclusivité et patrimonialitéLa thèse est divisée en trois parties, la première étant la plus vaste. Elle est elle-même agencée autour de trois grandes questions. Jusqu’à quel point le droit intellectuel, droit « exclusif », peut-il être considéré comme un droit de propriété ? Peut-on parler d’une œuvre immatérielle comme d’un bien, d’une propriété, ou faut-il réserver ce terme au droit (intellectuel) qui porte sur cette œuvre, autrement dit à la prérogative juridique conférée à son auteur ? Et enfin, est-ce un droit de principe ou d’exception ? L’analyse de la nature du droit intellectuel sous ces trois angles était primordiale. C’est en fonction de ses conclusions que l’auteur décide ensuite quelles sont les dispositions du Code civil qui peuvent être appliquées aux propriétés intellectuelles, et moyennant quelles adaptations. |
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