La forme alpha est métastable. En effet, les cristaux de pigments de CuPc de forme alpha sont susceptibles de se transformer en larges cristaux de forme beta. Ce phénomène, appelé recristallisation, provoque des modifications optiques indésirables, notamment un glissement de teinte du bleu vers le vert. Cependant, Catherine Defeyt a remarqué que lorsque les pigments sont contenus dans un milieu pictural, la transition de phase n'a pas lieu. «Une des raisons possibles est l'immobilisation des grains de pigments dans le système pictural induit par le durcissement du liant interstitiel au cours du processus de séchage des films de peintures. »

Suite à cette constatation, la scientifique a réorienté sa problématique pour se concentrer sur l'élaboration d’une procédure permettant de distinguer les formes alpha, beta et epsilon en milieu pictural. «On sait que lorsqu'on analyse des peintures et que l'on y détecte du CuPc bleu dans les couches originales, la possibilité que l'œuvre ait été réalisée avant 1935 doit être exclue puisque ce pigment n'était pas disponible sur le marché avant cette date. L'identification du CuPc bleu offre un terminus post quem susceptible de remettre en question la véracité de son attribution. Grâce à elle, on a pu déterminer l’origine frauduleuse de peintures attribuées à James Ensor, Max Ernst, Maurice Utrillo ou encore Lioubov Popova. Moi, j'ai voulu aller plus loin» renchérit-elle. «J'ai voulu attirer l’attention sur le fait que si l'on identifie la forme cristalline du pigment, on peut resserrer la fourchette chronologique, étant donné que la forme alpha de phtalocyanine apparaît en 1935, la forme bêta en 1953, la forme epsilon en 1962. »

La procédure permettant de distinguer les polymorphes de CuPc en milieu pictural développée par Catherine Defeyt s’est notamment avérée utile pour dater la réalisation de plusieurs faux Léger et Pechstein, démasqués par les scientifiques du Rathgen Research Laboratory de Berlin grâce à l’identification du pigment dans les couches originales.

Outre les faux tableaux d’expressionnistes allemands, la chercheuse a étudié à l'aide de méthodes non-destructives telles que la spectroscopie infrarouge, la spectrométrie Raman et le microscope électronique à balayage des peintures de Paul Delvaux comme Faubourg vendu chez Christie's, ou encore La Genèse se trouvant à l'Aquarium Muséum de l’Université de Liège.  La chercheuse a également eu le privilège de se pencher sur le cas de La famille Soler de Picasso et sur des peintures bleues ayant appartenu au peintre américain Sam Francis ainsi qu’à Roy Lichtenstein actuellement conservées au Getty Conservation Institute de Los Angeles.