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Jeux vidéo : stop ou encore ?
21/11/2013

Jeux vidéos ados5"En contradiction avec le sens commun, le contenu violent en tant que tel d'un jeu vidéo ne semble pas avoir davantage de répercussion significative sur le biais d’attribution hostile, précise Roxanne Toniutti ; ce serait davantage le fait d’être soumis à un jeu vidéo, quel qu’il soit. De plus, d'après cette étude, ce point se vérifie également lorsqu'on fait partie d'une population plus à risque d'inadaptation sociale. Cependant, pour ce groupe cible, le contenu violent du jeu vidéo pourrait exercer des effets négatifs s'il était couplé à d'autres facteurs de risque (comme un contexte socio-économico-culturel défavorisé) ; ce n’est toutefois qu’une tendance au sein de cette étude. Si l'étude avait comporté davantage de jeunes, cette interaction aurait sans doute été plus visible." " En effet, confirme Cécile Mathys, certains résultats se situent vraiment à la limite de seuils explicites : avec davantage de sujets par groupes -mais, au départ, pour un mémoire avec un tel protocole de recherche, le nombre de sujets était déjà important-, d'autres éléments auraient probablement émergé, avec des résultats plus concluants permettant probablement d'accentuer des tendances que l'on peut déjà déceler, ou confirmant certains résultats affleurant."

Un regard critique

Outre le nombre limité de participants (et l'absence de mixité, tout comme de conditions de jeux identiques dans chaque école), l'auteure prend du recul par rapport à son étude : "Nous avons constaté qu'une majorité de nos participants ne respectent pas, habituellement, les normes d'âge recommandées pour ce type de jeux. Ainsi, 67 % des jeunes ont expliqué avoir l'habitude d'être soumis à des contenus bien plus violents, avec des  têtes décapitées, des effusions de sang, des armes blanches ou à feu. Dès lors, peut-être que le jeu employé n'était-il pas assez violent pour entraîner, de manière significative, une augmentation de l'hostilité ?" Cécile Mathys remarque qu'en tout cas, nul ne s'attendait au fait que tant d'enfants soient familiers de jeux aux normes de violence bien plus élevées que celles prévues pour leur âge. "Sur ce point, une conscientisation des parents serait probablement nécessaire", soutient-elle.

Roxanne Tonuitti avance également un autre argument critique : les deux jeux proposés ne contenaient peut-être pas de différences assez marquées. Après tout, dans un jeu de football, les tacles ne relèvent pas de manières très douces ou policées... "Les jeux perçus comme 'neutres' ne le sont pas autant que cela, confirme Cécile Mathys. Il faudrait sans doute s'interroger davantage et mener un débat sur ce qu'est un jeu violent, sur la violence 'tolérée', et réfléchir à l'image de la violence dans le jeu, avant de répondre à la question de savoir si les jeux violents entraînent de la violence... "

Enfin, ajoute Roxanne Toniutti, les questions des tests sur les biais d'attribution hostile peuvent s'avérer relativement transparentes aux yeux des jeunes. "Tu étudies la méchanceté qu'on a", lui ont dit certains élèves... avec le risque de donner des réponses qui, pensaient-ils, allaient sans doute les faire passer pour de "gentils garçons"...

Les dangers de la frustration

En dépit de ces réserves pointées par l'auteure, que déduire des différents résultats obtenus ? Première conclusion importante : "Ce n'est pas le contenu du jeu en tant que tel qui compte, mais le jeu en tant que média, analyse-t-elle. Le support prime sur le contenu. En lui-même, le jeu vidéo a un impact." Sans doute est-ce dû, comme l'ont déjà relevé d'autres auteurs, au fait que le jeu exacerbe des sentiments de frustration et de compétition. Ici, la frustration pouvait provenir de plusieurs causes : les enfants ne choisissaient pas le jeu qui leur était attribué, ils devaient s'arrêter de jouer, que la partie soit terminée ou pas, et enfin, bien sûr, certains étaient en train de perdre ou avaient perdu. Or il a été démontré que la frustration augmentait la probabilité d'apparition de comportements agressifs. De même, une augmentation du biais d'attribution hostile peut se manifester chez des enfants qui se placent en compétition face à l'intelligence artificielle, en tentant soit de gagner une partie, soit de battre un record.

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