Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Jeux vidéo : stop ou encore ?
21/11/2013

Jeux vidéos ados1

"Ces travaux ont montré que les médias violents sont affectivement susceptibles d'influencer l'état de la personne : ses émotions et ses pensées agressives peuvent devenir plus nombreuses et augmenter la probabilité d'un passage à l'acte agressif. En effet, lorsque les schémas, les émotions, les affects, les pensées qui se trouvent dans la mémoire du jeune sont de nature hostile, ce dernier interprète plus facilement - et à tort- une information neutre ou ambigüe : à ses yeux, elle devient hostile ou malveillante, avec un risque d'y répondre de manière violente."

Cette erreur d'interprétation est appelée un "biais d'attribution hostile". Il se présente sous deux formes. Le biais d'attribution hostile instrumental désigne le fait d'attribuer une intention hostile à des comportements ambigus d'un pair qui sont susceptibles d'avoir des répercussions négatives sur des biens matériels ou sur l'intégrité physique du sujet. Le biais d'attribution hostile relationnel concerne l'attribution d'une intention hostile aux comportements ambigus venant d'un pair, et qui mettent à mal les relations sociales du sujet. Les garçons sont plus sensibles au premier (ainsi qu'aux comportements agressifs physiques) et les filles, au second biais. 

Une erreur de perception

En tout cas, en raison de la prépondérance en mémoire de schémas hostiles engendrés, par exemple, par une consommation de médias violents, "les auteurs constatent que l'erreur d'interprétation confirme chez l'enfant agressif sa perception générale du monde comme malveillant, note la psychologue. Par conséquent, il pourra répondre de manière agressive tout en identifiant son attitude comme légitime." Quant au pair réceptacle de ce comportement agressif, il risque probablement, à son tour, d'attribuer une intention hostile au sujet agressif. A ses yeux, l'enfant agressif est mal intentionné. Il lui répond donc de manière négative. Un nouveau cycle s'amorce, renforçant à son tour les attributions hostiles, les comportements agressifs et le rejet social.

"Le lien potentiel entre le biais d'attribution hostile et le comportement agressif a été largement étudié. En revanche, peu d'études ont tenté de voir si un jeu vidéo violent peut effectivement influer sur l'état interne du joueur et, ensuite, sur son interprétation d'une situation", remarque la psychologue. Une étude expérimentale, celle de Kirsh, a tenté d'y voir plus clair en 1998. Pour la cause, un groupe d'enfants de 9 et 10 ans avait joué à des jeux violents, tandis qu'un autre s'était vu attribuer des jeux non violents. Le protocole de recherche consistait à leur demander ensuite d'interpréter des images montrant des pairs provocateurs, aux intentions ambiguës. Résultats ? Plus les sujets étaient âgés et plus ils perdaient aux jeux, plus ils manifestaient un biais d'attribution hostile. Et ce dernier augmentait la probabilité du sujet soumis à des jeux violents de répondre de manière agressive dans des situations de provocations ambigües.

Tester avant... et après

Roxanne Tonuitti a voulu aller plus loin, compléter ces données, comprendre les processus mentaux qui conduisent aux comportements agressifs, et voir quels biais ou quelles variables augmentent ces derniers. En refusant de se contenter d'un amalgame entre jeux violents et comportements agressifs, elle a donc décidé, pour sa recherche, d'investiguer de quelles manières s'articulaient les différents éléments en cause. Et elle s'est centrée sur un des aspects cognitifs de l'agressivité, celui du biais d'attribution hostile.

"Grâce à un protocole quasi-expérimental (NDLR : le terme quasi expérimental désigne ici le fait que les jeunes ont été délibérément repartis en deux groupes, en fonction de leur statut de vulnérabilité sociétale), son étude a permis de mesurer plus finement les effets du jeu en plaçant un petit nombre de jeunes, des garçons ici, en situation, et en les interrogeant avant et après l'utilisation du jeu", remarque Cécile Mathys. En effet, l'une des originalités de cette étude a été de mesurer les biais d'attribution hostile à deux reprises : avant que les jeunes jouent, puis à l'issue de leur séance sur l'écran.

Page : précédente 1 2 3 4 5 suivante

 


© 2007 ULi�ge