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Dumping social:que fait l'Union européenne ?
18/11/2013

Manque de coopération entre Etats

L’application pratique de la directive détachement suscite beaucoup de critiques : définition  imprécise du détachement, contrôles difficiles, coopération déficiente entre les administrations des Etats membres, ... Une « directive relative à l’exécution de la directive détachement » est donc négociée actuellement au sein de l’Union européenne. « Elle aura pour rôle de préciser certaines dispositions de la directive et de renforcer la coopération entre Etats, souligne Alexandre Defossez. Ce manque de coopération est le problème principal. Il s’agira par exemple de s’assurer que les Etats collaborent pour vérifier que des entrepreneurs qui affirment avoir une activité dans un pays en ont vraiment une. Cela permettrait d’éviter des faux détachements, par exemple quand des travailleurs font trop régulièrement des allers-retours. Ils sont alors à considérer comme des travailleurs migrants masqués sous une apparence de travailleurs détachés. Les négociations s’annoncent difficiles, notamment parce que des règles sur la solidarité pour le paiement des salaires sont mises sur la table : un contractant qui ferait appel à un sous-traitant qui ne paie pas ses employés pourrait être responsable de ce paiement ».

Selon Alexandre Defossez, aucune mesure européenne n’est aussi marquée du sceau de la lutte contre le dumping social que la directive détachement, mais on peut aussi identifier l’influence de la crainte du dumping social dans le cas de la libéralisation du transport, qui s’effectue à un rythme différent de celui des services ou des marchandises. « Des règles particulières existent, par exemple sur le cabotage routier : on limite le nombre de fois où un transporteur routier qui décharge sa marchandise dans un pays peut prendre d’autres marchandises et la livrer ailleurs dans le même pays ». 

Le cas « Ryanair »             

Dans le secteur du transport, c’est le transport aérien qui a le plus fréquemment suscité des polémiques liées au dumping social ces dernières années. En Belgique, la compagnie irlandaise Ryanair a souvent défrayé la chronique parce qu’elle emploie son personnel belge sous statut irlandais, ce qui implique des coûts salariaux et une protection sociale plus faibles. « Des règles générales, qui n’ont pas été adoptées pour lutter contre le dumping social, permettent d’identifier le droit applicable, note Alexandre Defossez. Il s’agit de la réglementation en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants, ou encore du règlement Rome I qui concerne le contrat de travail. Ces règles adoptent les critères les plus neutres possible pour rattacher les travailleurs au droit qui est le plus proche de leur situation personnelle. Le fait que l’employeur est basé dans tel ou tel pays sera de moins en moins déterminant. Ryanair2On prend plutôt en considération le lieu à partir duquel le personnel organise son travail (là où il reçoit l’essentiel de ses instructions, entame et termine l’essentiel de ses services, …). Le droit belge devrait donc trouver à s’appliquer plus facilement ».     
 
A l’issue de sa thèse, la principale recommandation d’Alexandre Defossez est de délaisser la question du dumping social, d’éviter d’en faire le moteur principal de la politique sociale européenne. « Quand on l’analyse au sein de l’Union européenne, l’argument du dumping social ne mène pas très loin. Il divise. On a tendance à considérer qu’il y a les « bons » avec de bonnes normes sociales et les « mauvais » avec de mauvaises normes. La réalité est plus complexe, il est très difficile de déterminer ce qu’est une politique sociale efficace. Au lieu de monter les travailleurs les uns contre les autres, il serait préférable de laisser les Etats développer leurs solutions nationales, admettre les divergences tout en essayant de lutter contre les abus et les fraudes. Lorsque des Etats soulèvent devant la Cour de justice de l’Union européenne un argument tenant à la lutte contre le dumping social, ils cachent souvent une préoccupation protectionniste. Je recommande donc de laisser cet argument de dumping social de côté pour se concentrer sur l’amélioration des conditions de vie de tous les travailleurs européens, et de mener ainsi une véritable politique sociale européenne ».

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