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Le vote des diasporas : quels impacts ?
25/10/2013

Certains élus siègent très loin de leurs électeurs

L’Italie a créé quatre zones géographiques au sein de la circonscription « extra-territoriale» : l’Europe, l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord et centrale, le reste du monde. Dans chacune de ces zones, les migrants peuvent voter pour des candidats qui doivent être membres de la diaspora et résidents de la même zone. La France a instauré un système similaire pour le vote des Français de l’étranger depuis les élections législatives de 2012. Les candidats élus siègent donc dans un parlement parfois situé à des milliers de kilomètres de leur base électorale. « Quand vous avez été élu en Australie et que les sessions parlementaires se déroulent à Rome, il est difficile de demeurer en contact avec le terrain, de rendre régulièrement des comptes à son électorat, explique Jean-Michel Lafleur. Les migrants considèrent souvent qu’une fois élus, ils ne savent pas ce que leurs candidats font à Rome. C’est la difficulté inhérente à un tel système, mais il donne une représentation directe aux migrants ».

L’organisation d’un scrutin au sein d’une diaspora répartie dans des dizaines de pays sur les cinq continents suscite d’autres polémiques. En France, c’est la possibilité pour les expatriés de voter par internet qui a soulevé quelques craintes. Dans le cas de l’Italie, chaque membre de la diaspora âgé de plus de 18 ans reçoit à son domicile un bulletin de vote qu’il peut renvoyer à son consulat. Ce système de vote par correspondance a déjà donné lieu à une fraude. « En 2008, un avocat romain domicilié fictivement à Ixelles a été élu parce que la mafia calabraise a pu intercepter des bulletins de vote envoyés par la poste. Il est aujourd’hui en prison », note Jean-Michel Lafleur.

Accords diplomatiques ou bonne volonté          

A l’heure actuelle, aucune norme n’oblige les pays d’accueil à faciliter l’organisation d’élections. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille stipule qu’ils ont le droit de voter et d'être élus au cours d'élections organisées par leur Etat d’origine, mais elle n’a été ratifiée par aucun des principaux pays receveurs de migrants. La Belgique ne l’a pas ratifiée non plus. « La Belgique n’est donc pas obligée de faciliter l’organisation d’élections mais dans les faits, des coopérations sont mises en place, dans le cadre d’accords diplomatiques ou simplement sur base de bonne volonté, explique Jean-Michel Lafleur. Par exemple, lorsque la Tunisie a tenu ses premières élections en 2011, une série de bureaux de vote ont été installés en Belgique pour que la diaspora tunisienne puisse y participer (dans une école à Liège, des locaux communaux à Namur, etc.) ».

L’exercice par une diaspora du droit de vote dans son pays d’origine peut parfois être considéré dans les pays de résidence comme un refus d’intégration. Les recherches de Jean-Michel Lafleur montrent l’inverse. Le directeur adjoint du CEDEM souligne qu’une participation politique des migrants dans leur pays d’origine signifie qu’ils ont un intérêt pour la politique en général. Souvent, cet intérêt engendre une implication dans la politique du pays de résidence. « J’ai mené une enquête auprès des migrants boliviens en Argentine, aux Etats-Unis, en Espagne et au Brésil. Ceux qui votent à distance lors des élections boliviennes ont une implication plus forte que la moyenne en politique, où qu’ils se trouvent. La participation politique est une espèce de capital, quand les migrants votent dans le pays d’origine, ils développent aussi des compétences utiles à la participation politique dans le pays de résidence ».

Vote

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