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Un temps des Lumières bien sombre
17/10/2013

Portrait de JT BavièreLes autres Etats limitrophes ne restent pas non plus indifférents à la principauté liégeoise.  Pour des raisons spécifiques, à vrai dire. Les Provinces-Unies, par exemple, bien que tournées vers la mer, souhaitent une amélioration du réseau routier liégeois en direction de leurs places marchandes et portuaires, mais ce projet d'un grand commerce international par voie terrestre ne parviendra pas à se concrétiser. Pour sa part, la Grande-Bretagne, autre puissance maritime, adopte une attitude pragmatique, essentiellement dictée par son souci de battre en brèche l'influence prépondérante de la France en bord de Meuse : deux de ses diplomates chevronnés y seront accrédités à cette fin. Du côté du Saint-Empire, c'est la Prusse – présente à Clèves et à Juliers (actuelle Rhénanie-du-Nord-Westphalie) – qui manifeste les intentions les plus belliqueuses, d'où la volonté du pouvoir épiscopal d'entretenir de bonnes relations avec son souverain, Frédéric II.
    
La France, elle, est bien présente dans le paysage politique liégeois, au point qu'on peut parler en l'occurrence d'une réelle inféodation. La communauté de langue ainsi que des habitudes  de vie proches expliquent à coup sûr la francophilie qui imprègne bon nombre de Liégeois. Mais, chez la grande voisine du Sud, il y a d'autres facteurs déterminants à ce désir de tutelle : Liège, porte des Provinces-Unies et de l'Allemagne du Nord, occupe une position-clé dans le concert économique européen ; en outre, sur le plan militaire, la ville et l’arrière pays offrent quantité de ressources (en armes et en hommes, notamment), et ce non loin de ce Rhin qui aux yeux de l'expansionnisme du pays laisse miroiter le rêve d'une ultime frontière naturelle. Ces éléments sont à la base de la naissance à Liège d'un puissant parti français, tangible au sein du Chapitre et nourri par l’octroi de pensions. Du reste, depuis la fin du XVIIe siècle, un représentant français est accrédité auprès du prince-évêque, ce qui n'est pas le cas de toutes les autres Cours de l'époque. Pas étonnant, dans ces conditions, que le candidat de Versailles, Jean-Théodore de Bavière, ait finalement été élu à la tête de la principauté à l'issue de ce qu'on nommerait aujourd'hui un intense travail de lobbying.       

Les affres de la guerre

Voulant se sentir à l'abri des conflits des Puissances voisines, la principauté de Liège avait opté pour une neutralité à la fois désarmée et perméable. Donc, pas d'armée chez elle dont le prince aurait pu se servir pour dominer le pays ou y réprimer quelque soulèvement. Et, conséquence de cette « perméabilité », les troupes de passage avaient presque systématiquement droit de transit. Seulement, en mauvaise saison, les contingents militaires s'installent et se nourrissent sur le compte des habitants, sans parler des exactions diverses dont ils se rendent coupables. Jean-Théodore de Bavière aura beau faire borner les frontières de la principauté par des panneaux comportant l'inscription « Neutralité, Pays de Liège », rien n'y fit. Son pays était bel et bien devenu non seulement une passoire, mais aussi un séjour pour les armées françaises, autrichiennes, hollandaises et autres. C'est peu dire que la neutralité liégeoise fut ainsi bafouée. Ce qui fit dire à Maximilien-Henri comte de Horion, chanoine de Saint-Lambert et premier ministre du prince-évêque : « Cela va au delà de l'imagination. Ce pays est dévasté pour bien des années. »

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