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Un temps des Lumières bien sombre
17/10/2013

Le Siècle des Lumières ne fut pas de tout repos pour la principauté de Liège. Après le règne paisible du prince-évêque Georges-Louis de Berghes (1724-1743), celui de Jean-Théodore de Bavière (1744-1763) est immédiatement entraîné dans les turbulences de la guerre de Succession d'Autriche. Et si la paix retrouvée en 1748 met fin aux affres de l'occupation des troupes belligérantes, elle n'en débarrasse pas pour autant le pays mosan de problèmes divers – notamment financiers – que l'incurie d'un prince trop souvent éloigné de sa capitale et l'égocentrisme des ordres privilégiés laisseront en suspens, pour le malheur du petit peuple principautaire. C'est cette séquence chronologique de 1744 à 1755 que Daniel Jozic, collaborateur scientifique au département des Sciences historiques de l’Université de Liège, retrace dans son ouvrage (1).

COVER Principaute LiegeTout commence le 23 janvier 1744. Ce jour-là, le duc Jean-Théodore de Bavière, évêque de Ratisbonne et de Freising, accède au trône de Saint-Lambert. Son élection n'a été possible qu'au terme d'une âpre lutte au sein du Chapitre cathédral entre, d'une part, les partisans de la puissante famille des Wittelsbach – dont il est issu – et, d'autre part, ceux qui préféraient un représentant du terroir, dès lors farouchement opposés au camp bavarois. Scrutin serré autour duquel s'étaient noués des intérêts étrangers, particulièrement ceux de la France de Louis XV pour laquelle le Pays de Liège avait tous les charmes d'un « protectorat courtois ». Dans la Cité mosane, par ailleurs, certains voyaient plutôt d'un bon œil le choix d'un noble d'illustre extraction, d'autant que leur candidat bavarois n'était autre que le frère de Charles VII, empereur depuis 1742 du Saint-Empire romain germanique, et qu'il jouissait de l'appui de Versailles. Ce qui, par contre, n'eut pas l'heur de plaire aux Puissances maritimes (Grande-Bretagne, Provinces-Unies) et indisposa encore plus la Cour de Vienne : sa jeune souveraine, Marie-Thérèse de Habsbourg, s'opposa sur-le-champ au choix des Bourbons à cette occasion. En somme, on assistait à une nouvelle péripétie de la traditionnelle confrontation des familles régnantes d'Autriche et de France.

Une situation géopolitique délicate

On le voit, cette petite terre d'Empire qu'était la principauté de Liège, pays d'entre-deux intégré dans le Cercle de Westphalie, suscitait pas mal de convoitises chez ses proches voisins. Il faut dire qu'elle bénéficie d'une situation géographique enviable pour le contrôle de la Meuse et pour le transit vers la Rhénanie, atout qui n'a d'ailleurs pas échappé depuis des lustres aux Brabançons : depuis le Moyen Age, Bruxelles et Liège, capitales de deux entités aux frontières intimement imbriquées et tributaires d’un espace économique commun, ne cessent de s’opposer, affrontements encore avivés par de séculaires conflits de juridiction et de souveraineté. Ce qui fait écrire à Daniel Jozic : « Entre les deux parties règne toujours une ambiance de défiance et de méfiance. Liège craint continuellement d'être la dupe des menées brabançonnes tandis que Bruxelles, exaspérée par la manière de procéder de sa voisine, n'espère pas grand-chose des négociations des conférences. Pour les Pays-Bas [autrichiens], il est vain d'espérer amener les Liégeois à un accord. A leurs yeux, ces négociations répétées n'aboutissent à rien sinon à une impasse. »

(1) Liège entre guerre et paix. Contribution à l'histoire politique de la Principauté de Liège (1744-1755), Presses universitaires de Liège, 2013.

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