La seule étude prospective précédente (Wang et Cochrane) avait porté sur 16 athlètes. Ici, 66 joueurs volontaires (de 24 ans en moyenne) ont été recrutés dans 9 équipes de volley de première et de deuxième division. Parmi eux, on comptait 34 hommes et 32 femmes avec, en tout, 57 droitiers. En moyenne, tous jouaient au volley depuis une douzaine d'années.
Avant que la saison 2008-2009 ne débute, et alors qu'ils s'entraînaient 13 heures par semaine en moyenne, ils ont répondu à un questionnaire sur leur temps de pratique, leur carrière sportive, leur position de jeu, etc. Mais, aussi, sur leurs douleurs ou blessures passées, les diagnostics posés, les traitements suivis ... Il s'est ainsi avéré que 52 % des joueurs impliqués dans l'étude mentionnaient des douleurs ou des lésions à l'épaule dominante survenues précédemment.
Par ailleurs, toujours avant le début de la saison, tous ont été soumis à une série d'examens poussés de leurs deux épaules. "Une évaluation de la force - l'évaluation isocinétique - a été réalisée à l’aide d’un dynamomètre, qui est l'outil de mesure de la force maximale développée correspondant au gold standard en la matière", précise Bénédicte Forthomme. En effet, il permet notamment de mesurer la force maximale développée par les muscles rotateurs pendant le mouvement, à la fois en mode concentrique (correspondant à la frappe de balle) et en mode excentrique (« freiner »). Ces indications s'avèrent cruciales pour déterminer un état de déséquilibre musculaire.
L'évaluation des raideurs et de la malposition scapulaire (avec des examens dits morphostatiques) a été effectuée par une série de mesures cliniques les plus affinées possibles, standardisées et très rigoureuses afin de garantir une exploitation fiable des données recueillies. "Nous nous sommes ainsi assurés du fait que ces mesures étaient valides et reproductibles sur une même personne. Sans ces exigences, il n'aurait pas été possible d'être publié dans une revue de référence en matière de médecine sportive et traumatologique, comme cela va être le cas", précise la scientifique.
Ensuite, suivre
Durant la période des 6 principaux mois de la compétition (d'octobre à mars), avec l'aide du kinésithérapeute ou d'un membre du staff sportif, les joueurs ont rempli un questionnaire hebdomadaire permettant de notifier et de détailler tout problème survenant à l'épaule, avec ses caractéristiques, ainsi que le temps d'arrêt éventuel qui en avait résulté. La sévérité de la lésion a été classée en fonction de la durée d'absence des terrains (moins d'une semaine d'arrêt, entre une et trois semaines, ou davantage).
Ce suivi spécifique a permis de constater que 23 % des joueurs avaient présenté des douleurs de l'épaule dominante pendant la saison (et non pour des causes traumatiques). Sur ces 15 joueurs, 13 étaient des attaquants. L'analyse des résultats a montré que les hommes étaient 6 fois plus protégés de ces risques de blessures que les femmes. Ceci corrobore l’hypothèse du rôle protecteur de la « force musculaire ».
Par ailleurs, et ce point est essentiel, l'étude a révélé que le fait d'avoir été précédemment blessé augmentait 9 fois la probabilité d'une nouvelle blessure. Pour le dire autrement, face aux risques de récidives, actuellement, on peut estimer qu'il semble difficile de se sortir d'une première blessure à l'épaule ... ou alors que les facteurs de risque expliquant la première blessure n’ont pas été corrigés !
Les conclusions de l'étude ne s'arrêtent pas là. En effet, Bénédicte Forthomme a également pu trouver des réponses aux questions qu'elle voulait éclaircir dès le départ, à savoir celles sur les principales causes de blessure, avec leurs facteurs de risques qui mènent à la lésion et les facteurs protecteurs qui permettent d'en éloigner.
Parmi les différentes caractéristiques menant à la tendinopathie, un facteur semble être plus déterminant que les autres. Il n'a pas pour origine la scapula, pas plus que les problèmes de raideurs. L'étude a montré que les blessures étaient liées à des problèmes concernant la force excentrique des rotateurs, celle qui permet de freiner le mouvement. En fait, pour être "protégé", il faut que le bras puisse être retenu dans ses gestes extrêmes et puissants : les joueurs non blessés avaient la meilleure force de freinage lors des mouvements d’armer et de lancer (rotateurs internes et externes en excentrique). Inversement, les mesures effectuées sur les blessés avaient effectivement révélé, au départ, une force de freinage atténuée ...