Pourquoi un joueur de volleyball, de handball ou de tennis risque-t-il de se blesser à l'épaule ? Pourrait-on réduire l’incidence lésionnelle ? Le Professeur Bénédicte Forthomme de l’Université de Liège fournit des informations claires et innovantes relatives à ces préoccupations susceptibles de gâcher la vie des sportifs de haut niveau.
Tout à coup le bras recule, haut, loin au-dessus de l'épaule. Il semble battre l'air pour revenir à toute vitesse frapper la balle, qui part à son tour dans les airs ... Ce geste d'armer / frapper ou lancer, les afficionados du volley-ball le connaissent par coeur. Leur épaule dominante, aussi. Mais cette gestuelle de smash n'est pas sans risque, dont celui d'y provoquer une série de microtraumatismes ... A la longue, ces derniers peuvent générer douleur ou blessure, obligeant parfois le sportif à rejoindre le banc de touche pour (au moins) une partie de la saison. Que l'on pratique du volleyball, du handball, du tennis ou tout autre sport qui fait appel à un travail intensif de l'épaule, la menace de l’hypersolliciation plane … Pourtant, désormais, entre le plaisir du sport et la perspective d'une blessure, le match n'est plus si inégal grâce à une étude (1), réalisée sous la direction de Bénédicte Forthomme, Chargée de cours au sein du Département des Sciences de la Motricité de l’Université de Liège et Kinésithérapeute en chef au CHU de Liège.
"Il s'avère que 20 % des joueurs de volleyball (mais également de handball) souffrent de lésions à l'épaule au cours d'une saison. Les symptômes ressentis peuvent priver d'entraînement et de matchs pour des périodes allant jusqu'à 6 semaines. Peut-être plus interpellant encore, notre étude montre qu'après une première blessure à l'épaule, le risque de survenue d'une récidive est multiplié par 9 la saison suivante", souligne la kinésithérapeute. Dès lors, son objectif est clair : changer enfin la donne en protégeant davantage les épaules sportives, grâce à un entraînement et à un programme d'exercices préventifs, individualisés en fonction des différents facteurs de risque qui, chez chaque sportif, peuvent potentiellement mener à la blessure.
Jusqu'à présent, peu d'études scientifiques se sont intéressées à la mise en évidence des facteurs de risque des blessures de l'épaule entraînée. "L'épaule s’avère très complexe. Cela, en plus de la difficulté d’une démarche prospective, explique peut-être pourquoi si peu de travaux existent dans la littérature", suggère Bénédicte Forthomme. Manifestement, cette complexité ne l'effraie pas : depuis son diplôme, en 1989, elle soigne majoritairement des épaules, en complétant cette pratique clinique par des recherches concrétisées par diverses publications.
Un problème pour tous les sportifs
"L'épaule est un complexe articulaire, détaille-t-elle. Les données anatomiques sont éloquentes : cinq articulations mobilisées par 19 muscles constituent le complexe de l’épaule. La conformation des surfaces articulaires autorise les mouvements les plus amples du corps." Cette précieuse mobilité permet une gestuelle dans les trois plans de l'espace. Cet atout a cependant son revers : l'instabilité de l’articulation principale de l'épaule (qui lie l’humérus à la scapula) se manifeste par exemple lorsqu'un joueur "arme". En effet, il utilise alors le bras dans un mouvement extrême, en allant très loin en arrière pour accumuler l'énergie avant de frapper, puis de ralentir rapidement le cours de son mouvement. Lors de ce mouvement, la tête de l’humérus risque d'être attirée hors de la cavité de la scapula.
"En imposant à son épaule une gestuelle exigeante, qui sollicite fortement les structures articulaires, le sportif de haut niveau (mais aussi celui qui se contente d'une pratique régulière !) favorise la survenue d'une lésion potentielle", poursuit la scientifique. Ce constat s'applique particulièrement aux sports asymétriques sollicitant un bras dominant.
"Chez de jeunes joueurs de volley, on remarque déjà des adaptations mécaniques de l'épaule au geste d’armer/frapper, indique-t-elle. Cependant, plus le niveau du sportif augmente, plus le risque lésionnel grandit. En effet, la répétition du geste induit diverses modifications spécifiques qui contribuent potentiellement à la survenue lésionnelle. Voilà pourquoi, dans ces sports incluant une utilisation intensive du membre supérieur, la stratégie préventive est une réelle priorité."