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Apollinaire, une poésie tournée vers l’avenir
09/10/2013

COVER Calligrammes ApollinaireDans le dossier qui accompagne cette réédition, le chercheur approfondit la figure du calligramme, bien sûr, tout en reproduisant la conférence donnée par son créateur en 1917 intitulée «L’Esprit nouveau et les poètes» ou en se penchant sur les poètes de la Grande Guerre. Ce conflit meurtrier donne en effet une certaine cohérence thématique à un recueil par ailleurs dépourvu de toute unité formelle, partagé entre des poèmes parfaitement ciselés en octosyllabes bien rimés et des calligrammes les plus novateurs, dont certains se lisent assez difficilement. «Il est important de remarquer, insiste-t-il, que chaque poème ou presque possède sa propre poétique, réinvente sa poésie: la manière de concevoir la place du sujet dans le poème, de s’adresser au lecteur, de définir la fonction du poème et son objectif. Souvent, dans ses poèmes, on a un locuteur qui est Apollinaire lui-même mais en même temps la figure du poète mythifiée, idéalisée. Dans les poèmes de guerre, par exemple, quand il dit « je », ce n’est pas tant pour rapporter ce qui lui arrivé ou ce qu’il a vu ; son propos est davantage en relation avec l’avenir, la construction de la beauté, une réflexivité du poète sur lui-même. C’est à la fois Apollinaire soldat et Apollinaire qui se pense poète.»

Le reproche qui lui a été régulièrement fait de vanter les «beautés» de la guerre, de ne pas insister sur ses atrocités est, pour Purnelle, un faux procès. «Il refuse de se situer dans le camp des patriotes ou dans celui des pacifistes. Il est ailleurs. Il a choisi de s’engager, il a fait la guerre mais il a le bon goût de ne pas la chanter comme les autres — l’héroïsme des soldats, la justification de la guerre, la haine de l’ennemi… Il fonde sa poésie uniquement sur son expérience. Il ne reproduit pas la réalité mais invente une réalité nouvelle. Les beautés visuelles qu’il décrit vont vers une beauté morale. Il veut la victoire car il croit qu’elle sera suivie d’une ère nouvelle.»

Quid de la forme poétique dans ces deux recueils? «Dans Alcools, analyse son exégète, il emploie plutôt le vers libre pour les poèmes prophétiques et le vers régulier pour les élégiaques. Dans Calligrammes, quand il s’agit d’exprimer l’ordre, la discipline, la beauté, il recourt le plus souvent au vers régulier. Et quand il s’adresse au monde, prophétise l’avenir ce serait plutôt le vers libre. Même s’il y a une interdépendance des formes.»

Vu sa diversité poétique, pas mal de poètes peuvent se revendiquer de Guillaume Apollinaire. Gérald Purnelle observe que, malgré tout, certains surréalistes sont très apollinariens, tels Aragon ou Desnos. Et que la musique élégiaque, le vers harmonieux, la poésie simple, intimiste et en même temps ouverte sur l’autre et sur le monde, a pu influencer les poètes de l’école de Rochefort dans les années 40-50 comme René-Guy Cadou. «Je définis son unité dans la figure du poète et l’insertion du sujet dans ses poèmes. Ce que la poésie du XXe siècle présente de plus lyrique procède de lui», estime-t-il.

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