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Apollinaire, une poésie tournée vers l’avenir
09/10/2013

En 1909, il publie son premier livre, un long texte en prose, L’Enchanteur pourrissant, illustré de gravures sur bois d’André Derain, dont une version, écrite à Stavelot, avait déjà paru dans la revue qu’il avait fondée quelques années plus tôt, Le Festin d’Esope, disparue depuis. L’année suivante, il réunit une dizaine de contes dans L’Hérésiarque et Cie et, à la même époque, paraît sous grand format Le Bestiaire où ses courts poèmes sont associés à des gravures de Raoul Dufy.

Guillaume Apollinaire a 33 ans lorsqu’il publie en 1913 son premier recueil poétique, Alcools, qui reprend quinze ans de travail poétique sans organisation chronologique. Dans le dossier qui l’accompagne, outre une chronologie, des déclarations du poète ou le récit de sa genèse, Gérald Purnelle revient sur l’accueil critique du livre. Il rappelle par exemple que Georges Duhamel le compare à «une boutique de brocanteur». «Apollinaire n’a pas cherché à faire un recueil cohérent dans sa thématique, son esthétique ou sa manière de concevoir le poème, sourit-il. Il assume, sinon un bric-à-brac, tout au moins une grande diversité qui peut effectivement faire problème. J’essaie de montrer qu’au milieu de cette variété, entre poèmes élégiaques, symbolistes et visionnaires, existe une unité à un niveau beaucoup plus profond. A part Zone, le poème liminaire, et Vendémiaire, qui ferme le recueil, dont on comprend la place qu’ils occupent, la construction de l’ensemble reste une source d’interrogation perpétuelle. Calligrammes, qui est chronologique, est quant à lui beaucoup plus clair. »

Dans sa présentation, l’universitaire liégeois aborde la question de la modernité d’Apollinaire tout en la nuançant. «Il n’est pas un avant-gardiste qui fait table rase du passé, commente-t-il. Il fonde sa poésie sur la connaissance de la tradition et sa prolongation partielle, tout en faisant appel à l’innovation et à l’invention. Il n’est pas passéiste, il veut que la poésie évolue, qu’elle se renouvelle. C’est un homme tourné vers un avenir dans lequel la poésie doit jouer un rôle. Ses poèmes inventent cet avenir de la poésie. En cela, il est moderne sans être jamais coupé du passé ni du futur. Mais il n’est pas toujours facile de comprendre ce qu’il veut dire quand il définit sa création. J’ai voulu mettre en avant ses idées, ses lignes de force, ses constances. Par contre, il n’est pas un chantre de la modernité extra-poétique. Les trains, les avions, les machines, s’il en intègre des éléments dans des poèmes, n’en sont pas le sujet. Quand il parle de la modernité, c’est toujours avec humour, distance, ironie.»

Le sujet de sa poésie, qui fonde son unité, c’est l’avenir, donc, mais aussi lui-même et la poésie elle-même. Mais pas la modernité du monde moderne ni même sa place dans le monde moderne. «C’est lui projeté dans l’avenir. Dans Alcools, mais c’est encore plus net dans Calligrammes, il parle davantage de l’avenir que du présent. Tout en abordant le passé à travers des mythes, des légendes ou son propre passé», précise son commentateur qui parle à son sujet d’un «lyrisme réinventé». Calligramme Apollinaire«C’est un lyrisme intégré dans la modernité. Mais les surréalistes ont inventé la poésie du XXe siècle pour plusieurs décennies en grande part contre Apollinaire, niant, avec leurs travaux sur l’inconscient, l’écriture automatique, etc., ce qu’il voulait créer.»

Passionné par la peinture moderne, critique d’art, Apollinaire a voulu allier poésie et peinture en regroupant des «idéogrammes lyriques et coloriés» dans un livre qui aurait dû s’intituler Et moi aussi je suis peintre et paraître en août 1914. La guerre en a décidé autrement. De cette ambition, il reste plusieurs poèmes-dessins disséminés dans Calligrammes publié en avril 1919, sept mois avant sa mort. «Quand, en 1913, il invente les «idéogrammes colorés» - «calligrammes», mot-valise combinant «calligraphie» et «idéogramme», et qu’il ne trouvera qu’en 1917 -, il veut en effet faire un livre où il serait à la fois le poète et le peintre, confirme Gérald Purnelle. Ces premiers calligrammes devaient être peints à l’aquarelle ou à la gouache. Il est très visionnaire. Voyant se développer les nouvelles techniques – le cinéma, la photographie, les affiches –, il envisage une nouvelle forme de poésie dépassant le simple texte imprimé pour devenir un œuvre totale.»

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