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Les hiéroglyphes, au cœur de la culture égyptienne
08/10/2013

Avant toute chose, il est prudent de ne pas attribuer trop vite à une civilisation les mérites de l’invention de l’écriture. Même si certains historiens, au hasard des fouilles archéologiques, se disputent cette question suivant leur domaine d’expertise. « Je ne pense pas que la question soit réellement importante, tranche l’égyptologue. Il y a des choses, comme peut-être l’adoption de l’écriture, qui ont été dans l’air du temps à un moment donné. Il n’y a pas un seul berceau de l’écriture comme il y aurait un seul berceau de l’humanité. On peut très bien imaginer qu’à un certain degré de civilisation, des peuples aient indépendamment ressenti le besoin de développer l’écriture. C’est le cas des Chinois, des Mayas, des Egyptiens et des Mésopotamiens. » Dans le cas des deux derniers, leur proximité géographique pourrait conduire à se demander si un peuple a pu influencer l’autre, et si oui, dans quel sens. Ceci étant dit, s’il y a eu influence, ces deux peuples ont rapidement pris leur autonomie, tant les techniques de leurs systèmes sont d’emblée éloignées. Les écritures hiéroglyphique et cunéiforme divergent également par leur fonction. En Mésopotamie, l’avènement de l’écriture est lié à la volonté grandissante de faciliter la vie administrative. Sans méconnaître des besoins analogues en Egypte, qui seront rencontrés par le développement du hiératique, le chercheur oriente ailleurs la motivation première des Egyptiens à utiliser les hiéroglyphes, en pointant le souci grandissant d’individualiser des scènes génériques. L’écriture, pour les Égyptiens, assoit avant tout la manifestation du pouvoir.

Les archéologues ont retrouvé des traces d’art figuratif, généralement rupestres, qui s’échelonnent du 16ème au 4ème millénaire avant notre ère. Des figures qui semblent annoncer les hiéroglyphes sont déjà observées sur des céramiques datant de 3700 ans ACN. Ces figures prennent place dans des scènes déjà complexes, et s’organisent au travers d’interactions multiples génératrices de sens. Dans ces premiers témoignages, les scènes figuratives ne peuvent que représenter une action générique, par exemple un roi massacrant des ennemis, tandis qu’une disposition de signes précis permet d’individualiser l’action, d’identifier les actants et de leur accorder le prestige qu’ils méritent. Si rudimentaire soit-elle, c’est bien une forme d’écriture qui se manifeste alors, même si elle reste fort figurative.

écritures idéographiques1
Une découverte récente (lors de fouilles menées dans le courant des années 1980) a véritablement chamboulé le monde de l’égyptologie. Il s’agit de la découverte d’une tombe située à Abydos, qui pourrait dater de 3320 ACN, et dans laquelle 200 étiquettes d’os et d’ivoire ont été retrouvées. Sur plusieurs étiquettes figurent des dessins qui ont une même mise en forme, qui semblent plus organisés et éloignés de leur fonction figurative originelle. L’incroyable ancienneté et le développement de ces signes font la différence avec les découvertes antérieures.

Ces signes sont les plus anciens découverts en Egypte ayant servi à former des mots. Ils sont en majorité figuratifs, sont soumis à un calibrage, ne respectent pas les proportions du monde réel, sont orientés de manière à conditionner un sens de lecture. Certains ont des valeurs phonétiques, se laissent lire selon les règles connues des hiéroglyphes, et tirent généralement leur valeur phonétique du principe du rébus. Or le propre du rébus, qui joue sur l’attribution de syllabes à une succession de représentations iconiques, est précisément d’être dépendant d’une langue. Ces plaquettes, qui suivent le code des hiéroglyphes, ne peuvent donc être lues qu’en égyptien. La découverte de cette tombe a donc permis d’attester qu’il y a de cela plus de 5000 ans, le système hiéroglyphique était lancé, et alliait déjà l’idéographie et la phonétique.

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