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Les hiéroglyphes, au cœur de la culture égyptienne
08/10/2013

Très tôt, et jusqu’à son abandon progressif à l’époque gréco-romaine, le système hiéroglyphique mêle des codes idéographiques et phonétiques. Une approche complexe qui a permis aux Egyptiens de transcrire leur langue ainsi que leur perception iconique de la réalité. Autour de deux ouvrages, Jean Winand, professeur d’égyptologie à l’Université de Liège, s’autorise une vision panoramique de l’Egypte à travers l’évolution de l’un des plus anciens systèmes d’écriture. Il replace l’écriture hiéroglyphique dans une perspective historique, décortique ses origines, son fonctionnement, ses contraintes, ses richesses et ses limites, sa réception auprès des cultures occidentales, et son implication dans la naissance d’autres modes d’écriture. Il conclut en proposant un itinéraire historique surprenant, menant à notre propre alphabet.

COVER Hieroglyphes PUF copieLes hiéroglyphes fascinent l’Occident depuis plus de 2000 ans, à l’exception d’une relative perte d’intérêt au Moyen-Âge. Jouissant d’un regain d’intérêt croissant depuis la Renaissance, ce système interpelle encore aujourd’hui tant les rêveurs férus d’ésotérisme et d’occultisme que les scientifiques chevronnés qui l’étudient avec assiduité. C’est cette seconde voie que le professeur d’égyptologie Jean Winand, doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, emprunte au long de deux ouvrages destinés au grand public (1). Avec aisance, les pages défilent et dévoilent la complexité et l’hybridation des hiéroglyphes, une formidable traversée de 3000 ans d’histoire d’un peuple à la culture étroitement liée à ses écritures. Ses écritures, car au-delà de ses nombreuses modifications au long de son existence, le système hiéroglyphique a coexisté avec d’autres systèmes, qui en sont des versions simplifiées : le hiératique, d’abord, et puis le démotique. Une réalité complexe, donc, et riche en nuances, que l’égyptologue appréhende avec dextérité.

Au-delà du mythe, une réhabilitation tardive

Les hiéroglyphes ont longtemps pâti d’une succession de clichés les maintenant loin de l’ancrage réel, fonctionnel et historique qu’ils méritaient. Jean Winand l’illustre dans un chapitre du livre « Les hiéroglyphes égyptiens » et consacré à leur réception en Occident. « Il faut se rendre compte, justifie l’égyptologue, que des générations de penseurs, de la Renaissance à la fin du 18ème siècle, ont été empêtrés dans l’héritage des quelques auteurs grecs et romains qui se sont rendus en Egypte entre le 5ème siècle ACN et le 2ème siècle PCN. Ils y ont mené des recherches superficielles et n’ont pas eu accès à toutes les formes d’écriture. Ils n’ont observé que les écritures monumentales, gravées dans les temples les plus récents. »

À cette époque, l’Egypte est en plein déclin politique. Ce sont les derniers souffles d’un empire millénaire qui s’offre au regard des visiteurs. L’art méticuleux du hiéroglyphe, lui, s’effrite et se perd dans ses limites. « On estime alors qu’il n’y a plus qu’une centaine d’hiérogrammates qui savent lire et écrire les hiéroglyphes. Ces textes ne concernent désormais que peu de monde, ils sont cantonnés aux temples, où personne n’a accès. Certaines inscriptions se trouvent à 7 ou 8 mètres de haut, dans des couloirs plongés dans l’obscurité et ne permettant aucun recul. Elles ne sont pas destinées à être lues. Elles ne sont pas faites pour la communication entre les hommes. Elles sont un véhicule de la théologie, s’adressant directement au divin. »

L’écriture hiéroglyphique dérive, devient indéchiffrable. Les signes multiplient les sens possibles pour tenter de révéler des aspects nouveaux sur les divinités. L’écriture joue avec le sacré, cultive l’ambiguïté et adopte une forme allusive. D’allusif à symbolique, il n’y a qu’un pas. À travers le regard et le fantasme d’un Occident en quête d’exotisme, c’est toute l’écriture égyptienne qui est court-circuitée et ramenée à une fonction symbolique. « Certains penseurs allaient même jusqu’à poser l’hypothèse qu’une fois les mécanismes du système compris, chacun pouvait lire les hiéroglyphes dans sa propre langue. Ils ne concevaient pas que les hiéroglyphes pouvaient retranscrire une langue particulière, en l’occurrence l’égyptien. »

(1)  Jean Winand, Les Hiéroglyphes Egyptiens, Presses Universitaires de Frances, collection Que sais-je ?, Paris, 2013, et Jean Winand, Les origines de l’écriture, L’Académie en poche de l’Académie Royale de Belgique, à la suite d’une conférence délivrée au printemps 2013 au Collège Belgique. Un troisième ouvrage, également publié à L’Académie en poche et consacré à la réception des Hiéroglyphes de la Renaissance aux Temps modernes, sortira au printemps 2014.

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