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Dilemmes et indécision des stratèges de la Grande Guerre
04/10/2013

Une des raisons qui peut être avancée pour expliquer ce manque d’organisation est la récente restructuration de l’armée belge. En 1909, une première loi amène une modification au système de recrutement des effectifs de l’armée. Imposant le service militaire à un fils par famille, elle met fin au système du tirage au sort et du remplacement qui prévalait jusqu’alors. Celui-ci permettait aux malchanceux du sort de se faire remplacer moyennant finance. En 1913, Albert I généralise le service militaire. Pour que ces mesures atteignent leur plein effet, plusieurs années auraient cependant été nécessaires. En 1914, les futures générations de recrutés n’ont pas encore eu le temps de gonfler les effectifs de l’armée, c’est pourquoi les plans ne sont pas au point.

S’ajoute à ce manque d’organisation et de prévoyance, un profond désaccord doctrinal entre les principaux officiers d’état-major. Aux premières heures de la guerre, subsistent de nombreux débats sur la date de mobilisation, le lieu de concentration de l’armée, l’ennemi à combattre ou encore le lieu de retraite des troupes. Durant les premières semaines du conflit, le souverain belge et ses conseillers sont confrontés à des dilemmes majeurs relatifs à la défense du territoire. 

Quand mobiliser ?

Un critère essentiel détermine la date de mobilisation : il ne faut pas mobiliser trop tard. Afin d’éviter une attaque surprise à travers le territoire belge, les officiers veulent être prêts avant les Allemands et les Français. Si notre territoire était envahi trop tôt, sa taille réduite permettrait à l’assaillant de désorganiser tout le système de mobilisation et de s’emparer des principales voies de communication en un laps de temps très court. « Il suffirait d’une attaque de cavalerie bien menée pour que l’ennemi se retrouve en quelques heures à Liège, fasse sauter une ligne de chemin de fer ou s’empare d’un fort », révèle Christophe Bechet.

Se basant sur l’expérience acquise par la diplomatie belge lors de conflits antérieurs, certains officiers éprouvent cependant des réserves à l’idée de mobiliser trop tôt. Un empressement trop marqué à mobiliser pourrait être interprété par les Français et les Allemands comme un signe de défiance, voire d’hostilité à leur égard. D’autant plus que, lorsque la Belgique mobilise, les Allemands et les Français ne se sont pas encore déclaré la guerre. Le risque d’aviver les tensions et de précipiter le déclenchement du conflit est donc élevé. En dépit de ces scrupules, la mobilisation est ordonnée le 31 juillet 1914, suffisamment d’éléments permettant de prévoir une guerre imminente. Un jour plus tard, la France et l’Allemagne mobilisent à leur tour.

trains destructions

Concentrer à la frontière menacée ou au centre du pays ?

Au sein du corps d’état-major, un vif débat divise les partisans d’une concentration à la frontière et les partisans d’une concentration au centre du pays. Alors que les premiers sont favorables à une grande mobilité de l’armée vers la frontière menacée, les seconds privilégient une position relativement fixe, proche du camp retranché d’Anvers.

Clé de voûte du système défensif belge, le camp retranché d’Anvers est choisi en 1859 comme lieu de retraite de l’armée belge. Dépôt de vivres et de munitions, cette position fortifiée est également « le dernier point où l’armée peut reculer et essayer de défendre la souveraineté nationale, l’endroit où toutes les forces doivent se replier une fois qu’elles ont résisté à l’envahisseur ». Le camp laisse la possibilité d’un appui des Britanniques, susceptibles de débarquer à Anvers par l’embouchure de l’Escaut.

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