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Les clauses abusives passées à la loupe
19/09/2013

Une entreprise ne peut, par ailleurs, pas augmenter unilatéralement le prix convenu lors de la conclusion du contrat -qu'il soit à durée déterminé ou indéterminée- sauf si le mode d'indexation du prix est licite et explicitement indiqué dans les clauses contractuelles. Concernant la modification unilatérale du produit faisant l’objet du contrat, la loi n'interdit pas à l’entreprise de se réserver le droit de modifier unialtéralement sa nature pour autant que la modification ne touche pas aux  caractéristiques  essentielles du produit et considérées comme telles par les parties.

Enfin, les contrats contenant une clause pénale en faveur de l'entreprise doivent également présenter une clause pénale au profit du consommateur. En d'autres termes, si le consommateur encourt une sanction prévue par le contrat lorsque qu'il commet un manquement comme, par exemple, le non paiement de ses factures, le contrat doit symétriquement contenir une clause sanctionnant l'entreprise si elle ne respecte pas ses propres engagements, comme, notamment son obligation de fournir le produit vendu.

La norme générale               

Si la clause envisagée ne répond à aucun des trente-trois cas visés par  la liste noire,  il convient de la confronter à la norme générale qui résulte d’une combinaison entre la définition de la clause abusive contenue à l’article 2, 28° de la L.P.M.C. et de l’article 73 de la même loi  Le critère qui prévaut pour juger de la nature abusive d'une clause est  incontestablement celui du" déséquilibre manifeste" au détriment du consommateur.  Comme l'explique Cécile Delforge, le déséquilibre ne doit pas être établi en fonction de  « l'objet du contrat ou de l'équivalence des prestations convenues par les parties, […] comme par exemple une inadéquation flagrante entre la valeur d'un produit et le prix payé par le consommateur." Selon elle, le déséquilibre concerne "l'équivalence des situations contractuelles", soit le fait que les clauses soient  rédigées équitablement sans léser l'une ou l'autre des parties.   

La norme générale de l'article 73 de la L.P.M.C invite aussi à tenir compte, lors de l’examen d’une clause,  de "la nature des produits qui font l'objet du contrat", de toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'aux "autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend."

Un terme fantôme en droit du travail

Contrairement au droit des consommateurs où la signification "clause abusive" s'est solidifiée à travers la définition fournie par la L.P.M.C, le droit du travail est beaucoup plus touffu mais aussi plus impératif. Toutes les législations et les normes décrétées par la loi, les arrêtés royaux ou encore les conventions collectives passées entre les syndicats des travailleurs et les employeurs doivent obligatoirement être respectés par le contrat de travail. Les dispositions légales auxquelles l'employeur et le travailleur ne peuvent déroger leur laissent donc peu de liberté. Cette rigidité législative explique que le droit du travail à l’inverse du droit de consommation se trouve dépourvu du terme "clause abusive". A l'occasion du colloque Les clauses abusives et illicites dans les contrats usuels organisé par le jeune barreau de Liège, Fabienne Kéfer, professeur en droit du travail à l'ULg,  est tout de même parvenue, en modelant son propos à partir de la définition propre au droit des consommateurs, à trouver dans les contrats de travail conclus entre employeurs et travailleurs des clauses qui créent un déséquilibre manifeste entre les deux parties. Même si dans l'imaginaire collectif, le travailleur est souvent perçu comme exploité car il représente la partie économiquement la plus faible, Fabienne Kéfer a pris le parti de dépouiller sa recherche de tels préjugés liés au monde du travail et de ne pas exclure de son champ d'investigation des clauses qui s'avèreraient abusives au détriment de l'employeur.

"A l'origine, le droit du travail n'existait pas. Les relations entre employeurs et travailleurs étaient uniquement régies par le code civil misant sur le principe de la liberté des personnes et n'édictant presque aucune obligation de la part des parties", affirme Fabienne Kéfer. Cette période de libéralisme pur a rapidement débouché sur une misérabilisation de la classe ouvrière. Les travailleurs ne pouvaient alors pas se regrouper pour faire valoir leur point de vue et faire pression sur l'employeur afin d'obtenir ce qu'ils revendiquaient. C'est dans ce climat hostile de la fin du 19e siècle que le droit du travail est né pour compenser l'infériorité économique du travailleur et lui venir en aide dans ses rapports avec son employeur. Aujourd'hui, la situation a bien évolué et au-delà de son rôle protecteur, le droit du travail recèle de nombreuses règles qui ne sont plus uniquement destinées à améliorer les conditions des travailleurs mais qui sont aussi prises pour des raisons de politique économique comme l'allongement des journées de travail, le retard de l'âge de la retraite ou encore le blocage de l'indexation des salaires.

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