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Les dauphins, sentinelles de la pollution au Brésil
05/09/2013

Une contamination record

Les échantillons de lard et de foie sur lesquels ont travaillé Krishna Das, Gauthier Eppe et Paulo Dorneles ont été prélevés, selon des protocoles internationaux, sur des animaux échoués ou capturés accidentellement dans des filets de pêche. « Pour les analyses, nous avons extrait les lipides de ces échantillons car les polluants que nous recherchons sont lipophiles», indique Krishna Das. « Pour ce faire, on broie les tissus et on récupère la phase lipidique grâce à des solvants organiques. Après purification de cette fraction lipidique, on utilise les techniques de chromatographie et de spectrométrie de masse pour séparer les molécules ciblées et pour les doser ». Ces analyses ont été effectuées en grande partie à l’ULg mais également en Espagne. « Je me souviens que lorsque Paulo est arrivé avec les échantillons au Centre de Recherche Analytique et Technologique, ces derniers étaient tellement contaminés que Gauthier Eppe et ses collègues avaient peur que ces échantillons de dauphins contaminent tout leur système d’analyse », poursuit la chercheuse. Et pour cause : les résultats ont montré que les échantillons provenant des dauphins de Guyane résidant dans la baie de Guanabara contiennent des concentrations en PCBs parmi les plus élevées au monde ! « Cette baie est reliée à l’océan atlantique mais le renouvellement de l’eau y est très lent en raison du goulet qui est très étroit », reprend Krishna Das. « L’eau stagne donc et les polluants ne sont pas ou très peu évacués vers le large ». Dans les années 90, la population de dauphins de Guyane de la baie de Guanabara comptait plus de cent individus. Aujourd’hui, ces cétacés sont au nombre de 40.

Si ces constats concernant ces mammifères marins sont tristes et inquiétants, qu’en est-il de la santé des 12 millions d’hommes, femmes et enfants qui vivent sur les rives de cette baie et en consomment tous les jours les poissons ?

Nécessité d’une prise de conscience

« Les dauphins de Guyane sont les sentinelles de la pollution de la baie de Guanabara. Ce type d’étude pourra attirer l’attention des gens, et donc l’attention des décideurs politiques, et peut-être faire bouger les choses en matière de protection de l’environnement », explique Krishna Das. Dans un futur proche, les chercheurs projettent de poursuivre leurs investigations en analysant la contamination des poissons de la baie ainsi que l’exportation des polluants via les mouvements des poissons en dehors de celle-ci. « Nous aimerions quantifier ce flux de polluants. Nous voudrions aussi mieux comprendre le réseau trophique de la baie, notamment via l’utilisation des isotopes stables du carbone et de l’azote. Ce sujet fait d’ailleurs l’objet d’une étude parallèle dont les premiers résultats viennent d’être publiés dans la revue Ecological Indicators » continue la scientifique. Les chercheurs envisagent également de se pencher, en collaboration avec le corps médical, sur la problématique humaine liée à la forte pollution de la baie de Guanabara. « Il faut qu’il y ait une prise de conscience », insiste Krishna Das. 

Enfin, de cette collaboration belgo-brésilienne pourrait bien naître une nouvelle méthode permettant de déterminer le degré de contamination des mammifères marins. « Le brésil est un pays tropical et les carcasses d’animaux échoués y pourrissent très vite. Il est donc parfois difficile d’obtenir des échantillons de bonne qualité, notamment pour des études histopathologiques, ou pour la recherche de biomarqueurs », précise Krishna Das. « Mais les os se conservent bien et les polluants ont tendance à faire diminuer la densité osseuse. L’idée de Paulo Dorneles et de ses collègues est donc de développer une méthode de quantification de la densité osseuse et de mettre cette densité en relation avec les polluants déjà analysés », révèle la chercheuse.

Dauphins baie Guanabara

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