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L’autodéfense de l’orge
17/09/2013

Et la réjouissance du chercheur n’est pas mince. Car pour lui, l’horizon des recherches scientifiques doit sortir du milieu académique. « Je travaille depuis plus de 20 ans sur des méthodes biologiques pouvant remplacer les pesticides. Dans un premier temps, la recherche fondamentale sert à augmenter nos connaissances, notre savoir. Mais la génération de ces connaissances n’a d’intérêt que si elle permet d’améliorer notre société, ou nos conditions de vie. Dans le cas présent, en séparant les différentes molécules du bouquet de composés volatiles, nous avons pu identifier les plus responsables de l’inhibition du pathogène. Ce qu’il y a d’intéressant également, c’est que nous sommes en train de mettre en évidence un effet direct sur le pathogène. L’émission de composés volatiles n’a plus une simple fonction d’alerte, ou de stimulation des mécanismes de défense de la plante. Certains composés attaquent directement l’élément pathogène. C’est une fonction supplémentaire dans les mécanismes de défense des plantes que nous épinglons ici. » 

Du fondamental à l’agriculture, une étude bientôt appliquée ?

A l’heure actuelle, les chercheurs sont en train de vérifier que ces deux composés peuvent être exploités pour lutter contre les deux maladies ravageuses. Mais le chercheur sait que le chemin est encore long, avant de quitter la route scientifique pour rejoindre les champs. « Dans ce type de cas, nous devons d’abord vérifier que les composés identifiés peuvent être reproduits facilement, et en grande quantité. La deuxième étape est de vérifier que le produit, à concentration plus élevée, ne devient pas toxique pour la plante, pour l’homme et pour l’environnement. Enfin, il est important de tester l’efficacité du produit in vivo, vérifier que le pathogène est bien inhibé dans son milieu naturel. Une fois que toutes ces étapes sont étudiées, si le produit demeure intéressant, nous déposons un brevet, et nous commençons à communiquer notre découverte aux industriels. »

Non sans camoufler une certaine fierté, le chercheur avoue aujourd’hui en être au stade du test de toxicité du produit. Les recherches avancent bon train, même si la mise sur le marché n’est pas pour demain. Au-delà des mesures de sécurité à effectuer avant l’homologation du produit, d’autres questions demeurent encore en suspens. Une autre étape sera de comprendre comment le composé volatile agit sur le pathogène, s’il perturbe ses membranes, où s’il pénètre à l’intérieur du champignon pour y cibler certaines fonctions. Il faudra également déterminer un moyen de maintenir le composé inhibant le pathogène là où ce dernier se trouve. Car si tout le produit est diffusé en quelques heures et que la plante n’a plus aucune arme pour se défendre, le bouclier n’aura pas servi bien longtemps. « Il faut donc tenter de retarder la volatilité du composé par une formulation adéquate. »

Il existe pour cela plusieurs moyens. Tout d’abord, la microencapsulation des composés. Ces capsules, placées sur le sol, ou plantées à proximité de la graine, se dégradent à une vitesse voulue et diffusent plus ou moins rapidement le produit inhibiteur. Une autre solution, dans les cas comme celui étudié ici où l’origine de la maladie est une infection de la graine durant la germination, est d’imaginer un enrobage de la graine avec les produits volatiles.

orge fusarioseQuoi qu’il en soit, les techniques récentes mises en place par la phytopathologie sont encourageantes. Dans le contexte controversé de l’exploitation de pesticides et d’insecticides toxiques, ces chercheurs viennent à la rescousse d’agriculteurs désarmés face aux nombreuses maladies qui ravagent leurs récoltes. Et une telle étude particulière, sur l’exploitation systématique d’armes propres aux plantes pour les aider à se défendre, prouve que l’on va dans le bon sens, vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, en visant toujours un meilleur rendement. Et cette évolution se fait très rapidement.

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