L’histoire liégeoise de l’industrie du zinc
La Wallonie présente un sous-sol riche en minerai de zinc. Le gisement de La Calamine (Moresnet) est considéré, au XIXe siècle, comme la plus belle mine d’Europe. Les ressources de la rive gauche de la Meuse sont également remarquables.
Jusqu'à l'aube du XIXe siècle, en Europe, un obstacle important empêche la transformation de ces minerais en métal : la faible différence entre le point de fusion et le point d’évaporation du zinc au contact de l’air. En 1805, une innovation majeure voit le jour. Un chimiste liégeois, connu sous le nom de Jean-Jacques Dony, apporte une solution au problème de la distillation du zinc. Dony propose de faire fondre le zinc dans des creusets, c’est-à-dire de longs tubes en argile de la région d’Andenne, qu'il prolonge par des condenseurs. La distillation s’opère alors à l’abri de l’air, dans ces cylindres remplis de minerai de zinc et de charbon. L’air ne parvenant pas à rentrer dans le cylindre, la fusion s’effectue alors parfaitement.
Née en pleine révolution industrielle, cette technique marque un tournant important pour l’industrie belge, en particulier liégeoise, d’autant qu’elle se base sur des ressources naturelles très présentes en Belgique. Elle permet la commercialisation du zinc sur le marché européen. Dès 1809, Dony crée sa propre usine dans le quartier de Saint-Léonard après avoir obtenu la concession de la mine de Moresnet, à La Calamine. Dénommé « Altenberg », soit Vieille-Montagne, ce gisement donnera son nom à la société à laquelle Dony lègue son usine lors de sa faillite. Dès 1837, est ainsi fondée la société anonyme des Mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne. Première multinationale d’Europe, elle dispose de deux sièges, l’un à Liège et l’autre à Paris. Depuis 1989, suite à l'intégration progressive du secteur belge des non-ferreux, elle passe sous le pavillon de l'Union minière, d'abord, puis d’Umicore, ensuite.
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La fonderie de Saint-Léonard
D’origine liégeoise, c’est tout naturellement que Dony installe en 1809 sa fonderie au cœur de la cité ardente. À cette époque, l’emplacement choisi, au centre des faubourgs Saint-Léonard et Vivegnis, est jugé stratégique. Il bénéficie de la proximité immédiate des ressources en charbon ainsi que de la contiguïté de l’expertise technologique et scientifique liégeoise. Pourtant, d’emblée, l’usine pose problème.
Au coeur d'un double mouvement d’urbanisation et d’industrialisation, Saint-Léonard est un quartier symbolique. Au XIXe siècle, son développement industriel rapide engendre un accroissement significatif de sa population ainsi que de la pression sociale corrélative. Productrice d’un lot de nuisances industrielles important, la fonderie compte quantité de détracteurs. Un conflit, baptisé par la presse de l’époque « Affaire de Saint-Léonard », éclate au milieu du XIXe siècle. Parmi les nombreuses industries qui occupent le quartier, seule la Vieille-Montagne pose problème et génère d’abondantes fumées. Le procédé inventé par Dony laisse en effet s’échapper dans l’atmosphère des fumées blanches et épaisses riches en métaux. Si l’oxyde de zinc lui-même ne présente pas un caractère nocif pour la santé, on ne peut en dire autant des métaux qui lui sont associés dans le minerai (notamment le plomb et le cadmium). En retombant, ces fumées exercent une influence néfaste sur l’environnement et font mourir les végétaux, notamment les vignes toutes proches. Les bestiaux ne sont pas non plus épargnés. On n’élève d’ailleurs pas de chiens dans l’usine ; la fumée qui stagne au sol leur ôte toute chance de survie.