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Assainissement des sols : l’habit ne fait pas le moine
21/08/2013

Une précaution  à prendre, toutefois : du fait qu’une partie des métaux reste malgré tout susceptible de passer vers la biomasse, ce matériel ligneux doit être traité dans des unités de combustion sous contrôle, c’est-à- dire dotées de filtres spécifiques. C’est, du moins, la recommandation d’Aricia Evlard au regard des législations en vigueur à l’étranger car, chez nous, il n’existe actuellement aucune réglementation régionale à ce sujet.

Les endophytes se révèlent

Ensuite, pour approfondir les connaissances sur le potentiel de phytoremédiation du saule, Aricia Evlard s’est penchée sur les champignons présents au niveau des racines. Quel est leur rôle dans la fixation des métaux ? Comment agissent exactement les cellules fongiques ? Leur présence ralentit-elle le flux des métaux vers la plante (rôle de barrière) ou, au contraire, facilite-t-elle le flux de métaux vers la partie aérienne de la plante ?

Avec son équipe, la doctorante s’est donc  attelée à la mise au point d’un protocole in vitro destiné à évaluer la  sensibilité au cadmium des souches fongiques associées aux racines d’aulne et de saule. Elle a d’abord réalisé une collection de 91 souches fongiques prélevées le long des cours d’eau  non navigables de Wallonie. L’objectif : tester in vitro la tolérance de ces souches en les soumettant à diverses concentrations de cadmium (1, 5 , 10, 25 ou 50 mg par litre de milieu de culture) ce métal lourd ayant été choisi en raison de sa grande toxicité. Première surprise : contre toute attente, une majorité de souches se sont révélées parfaitement tolérantes au métal, même à une dose ultime de 50 mg. « Je m’attendais à des effets létaux. Or il n’en a rien été ». Deuxième surprise : « parmi les souches les plus résistantes, j’ai découvert des endophytes, plus particulièrement des « Dark Septate Endophytes » ou « endophytes septés noirs », c’est-à-dire des champignons appartenant  au sous-embranchement des Ascomycètes et vivant à l’intérieur des racines ; ni vraiment parasites, ni vraiment symbiotiques (2).

Champignons saule

Il semble que la tolérance à ces fortes doses de cadmium s’explique par un phénomène d’adsorption à la mélanine présente dans les parois du champignon.  « On peut raisonnablement supposer que ce phénomène d’adsorption s’observe également avec d’autres métaux, mais cela reste à établir. Nous avons déjà reproduit ce protocole avec le zinc : l’interprétation des résultats est en cours. A ce stade, en tout cas, on peut déjà émettre l’hypothèse selon laquelle que le rôle de cette microflore dans le contrôle des métaux pourrait être important chez le saule et l’aulne. A terme, il serait intéressant de tester les souches les plus résistantes, en les inoculant aux espèces ligneuses utilisées en phytoremédiation ».

Finalement, au vu de ces travaux, quels espoirs peut-on  conserver tant en matière de phytoextraction que de phytostabilisation ? « Il faut garder à l’esprit que les deux approches sont lentes, étalées sur plusieurs années. Elles n’ont de sens que si elles sont utilisées en complément des techniques physico-chimiques classiques, lorsque persiste une pollution résiduelle. De plus, ces techniques, plus radicales, bouleversent très souvent la structure du sol et laissent celui-ci très fragile. Les projets de phytoremédiation par le saule peuvent aider à compenser les pertes de ressources naturelles et les dommages causés par les techniques classiques. C’est dans ce sens que l’on peut considérer la phytoremédiation comme une mesure complémentaire et/ou compensatoire, décrits dans le Décret « sols », tout récemment entré en vigueur en Wallonie ».

(2) Au stade actuel des connaissances.

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