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Assainissement des sols : l’habit ne fait pas le moine
21/08/2013

Mesure instantanée de fluorescence

Saule substrat contaminé

Aricia Evlard soumet  donc 41 clones de saule, issus du parc à clones du CRA-W situé à Grand-Manil (Gembloux), à un substrat contaminé aux métaux lourds. Au lieu de se contenter d’une observation empirique (phénotypique) de leur croissance, elle investigue la tolérance des jeunes arbres à ces polluants (1).  Ainsi, pendant deux ans, elle utilise des méthodes physiologiques consistant à mesurer la fluorescence chlorophyllienne, à doser les sucres et pigments présents dans les feuilles et à identifier l’expression des protéines (approche dite « protéomique »). « Plus la plante est stressée par les métaux, plus elle émet de la fluorescence. Or celle-ci peut facilement être mesurée par un fluoromètre, une technique qui a l’avantage d’être non destructive et de livrer des résultats immédiats. Quant aux pigments et aux sucres, ils constituent eux aussi des paramètres de stress intéressants à étudier. Lors d’un stress métallique, la concentration en sucres peut par exemple augmenter. Ceci serait lié aux rôles que ces derniers jouent dans la protection des protéines et le maintien des activités cellulaires ». Enfin, l’identification de certaines protéines peut indiquer la présence d’espèces réactives d’oxygène (en anglais : ROS), des radicaux libres de l’oxygène plus toxiques que celui-ci. « En temps normal, il y a toujours un minimum de ROS produits dans les cellules. La cellule a des mécanismes pour les faire disparaitre avant qu’ils ne fassent des dégâts. Ces mécanismes de défense antioxydatifs peuvent être enzymatique (encore des protéines !) ou non. Mais, lorsque la plante est stressée, la formation de ROS est plus rapide que leur élimination. Résultats : les ROS interagissent avec les macromolécules (ADN, lipides, protéines) et vont  jusqu’à inactiver les mécanismes de défense antioxydatifs. Indirectement, les métaux provoquent donc des dérèglements divers du métabolisme cellulaire (perte de l’intégrité membranaire, photosynthèse altérée,  sénescence accélérée, etc.) » Les fonctions vitales de la plante sont donc réduites ou inhibées. Finalement, elle meurt.

Après avoir soumis les 41 clones à ces quatre examens, il est apparu clairement que l’un d’eux sortait du lot. Peu importe, ici, pour la démonstration, l’espèce ou la sous-espèce pointée. «L’essentiel est que ce clone faisait non seulement partie de ceux qui avaient produit le plus de biomasse en présence de métaux mais, en plus, il se démarquait des autres en ayant les plus fortes teneurs en métaux dans ses tiges. En réalité, lors d’une étude complémentaire, il s’est avéré qu’il était, sur les plans physiologique et protéomique, le moins tolérant au stress métallique. Cette étude a également pu démontrer que le bon individu « phytoextracteur » ou l’individu le plus tolérant n’est pas nécessairement celui qui produit le plus de biomasse ».

Accumulation et bonne santé : pas synonymes !

De là, le principal enseignement de cette recherche: un arbre qui « tient le coup » face aux métaux, produisant par ailleurs beaucoup de biomasse, n’est pas forcément en bonne santé, du fait de sa faible tolérance aux ETM. De ce fait, il n’est pas nécessairement un bon phytoextracteur à long terme. Ceci est d’autant plus intéressant à savoir si l’on considère que la durée d’un taillis à courte rotation – le type de culture généralement mis en œuvre à des fins énergétiques - est d’au moins vingt-cinq ans.

Autre observation réalisée dans le cadre de cette thèse : si les clones de saule testés à Gembloux semblent moins intéressants pour assainir un site  pollué dans un délai raisonnable, ils semblent en revanche plus intéressants à utiliser dans le cadre de la phytostabilisation. « En fait, ils semblent tolérants aux métaux mais freinant leur transfert vers les parties aériennes et les concentrant au niveau de la rhizosphère. En d’autres termes, lorsqu’on plante ce type d’individus, les métaux seraient (c’est encore à étudier in situ) mieux « maîtrisés » qu’en l’absence de plantation : ils ne migrent pas (ou peu) vers les nappes phréatiques. Aussi, le transfert des polluants vers les tiges et les feuilles étant réduit,on limite alors la contamination de la biomasse, de même que la restitution des métaux via la chute des feuilles ».

(1) Elle bénéficie, à cette fin, de l’aide du Centre Public de Recherche Gabriel Lippmann (Luxembourg).

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