Quand le juridique rencontre l’économique
Les rôles de l’EtatSi le pouvoir de l’Etat dans l’économie s’accroît d’année en année, c’est la crise financière de 1929 qui va lui donner un rôle de premier plan au travers d’un nouveau cadre juridique : la régulation. Ce krach a favorisé la naissance d’autorités administratives indépendantes de contrôle et de surveillance. C’est de cette époque que date également la séparation entre banques de dépôts et banques d’investissements. Séparation remise en cause depuis, ce dont on a pu mesurer les conséquences lors de la récente crise financière de 2008. «Depuis la fin des années 1970, on a observé une dérèglementation continue doublée d’une déspécialisation des intermédiaires financiers», pointe Nicolas Thirion. «Les établissements bancaires ont multiplié les activités (dépôt, assurances, crédit, etc.) et connu une expansion irréfléchie. Avec la crise, on s’est rendu compte que ces établissements étaient des géants aux pieds d’argile qui se sont écroulés en deux temps trois mouvements». Cette crise a remis l’Etat au centre de l’économie, de manière un peu forcée et peu libérale, afin d’éviter un effondrement complet du système - un Etat qui s’est érigé en acteur incontournable d’un marché qui voudrait bien s’en passer mais qui, en fin de compte, est soulagé de le voir venir à son secours quand il est menacé. Nicolas Thirion identifie ainsi trois «âges» du libéralisme depuis la Révolution française. D’abord, dans un premier temps, dès la fin du XVIIIe siècle et durant une grande partie du XIXe siècle, l’Etat n’intervient pas si ce n’est en tant que garant du bon fonctionnement du marché, qui se suffit à lui-même dans la doxa libérale. C’est l’Etat-gendarme qui ne doit pas gouverner le marché. Ensuite, suite aux guerres et aux crises de la première moitié du XXe siècle, l’Etat va être amené à intervenir dans l’économie de marché, notamment sur un plan social. C’est l’Etat-providence qui, durant les Trente Glorieuses (1945-1973), gouverne à cause des défaillances prétendues du marché. Enfin, dès la fin des années 1970, l’Etat-providence entre en crise et, devant le retour en force d’une forme de libéralisme caractérisée par la libéralisation (néo-libéralisme), qui culmine avec les privatisations des années 1990, se transforme en Etat régulateur. En d’autres termes, son rôle consiste dorénavant à favoriser et consolider la concurrence sur les marchés. Cet Etat doit gouverner pour le marché. En témoigne le rôle joué par les instances européennes en la matière qui ont, entre autres, favorisé la libéralisation et la privatisation de pans entiers du service public. Du droit économique au droit de l’entrepriseCe rappel historico-philosophique permet de mieux appréhender le système économique dans lequel évoluent aujourd’hui les entreprises et, par extension, leur environnement juridique, même si le « droit de l’entreprise » n’a pas toujours été dénommé ainsi. Durant les Trente Glorieuses, c’est le droit économique qui prévalait, «notamment parce que les aspects sur lesquels ses thuriféraires braquaient les projecteurs (importance de l’Etat dans l’économie, diversité des sources, nationales et internationales, qui en garantissent les principes fondamentaux, attention accordée aux pratiques normatives des groupes de pression) étaient d’une actualité frappante à l’époque», souligne Nicolas Thirion. À la fin des années 1960 apparaît le droit des affaires qui couvre plus largement la vie des entreprises, mobilisant à son profit la plupart des branches du droit. Pour autant, «le droit des affaires n’est pas, à proprement parler, une ‘super-branche du droit’ ; il s’agit plutôt d’une ‘méthode’ d’application des règles juridiques dans le contexte particulier de la vie des affaires», précise-t-il. Page : précédente 1 2 3 suivante
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