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Quand le juridique rencontre l’économique
01/08/2013
Le monde économique, entreprise en tête, offre un large champ d’investigations pour les questions d’ordre juridique. Dans l’ouvrage intitulé Droit de l’entreprise (1), les auteurs s’attachent aux aspects pratiques mais soulèvent également des questions théoriques. «Le droit économique est certes une matière pratique », explique Nicolas Thirion, qui l’enseigne aux étudiants de la troisième année du grade de bachelier en droit de l’Université de Liège et qui a dirigé l’ouvrage. «On étudie donc les techniques juridiques qui seront utiles dans la vie des affaires. Néanmoins, cet ouvrage affiche également l’ambition d’approfondir l’étude du droit économique, d’en tracer les grandes lignes, d’en révéler la structure sous-jacente. Il s’agit de situer la matière dans un contexte historique et idéologique. L’économie fait partie d’un système dans lequel se retrouvent les idées dominantes d’une époque.»
Le système économique dans lequel nous évoluons aujourd’hui est marqué du sceau du libéralisme. Il n’en a pas toujours été ainsi comme le rappelle Nicolas Thirion, professeur de droit économique : «Les premières mesures générales de libéralisation sur le continent européen datent de la Révolution française. Celle-ci est imprégnée à l’origine d’idées libérales et individualistes. Transposée à l’économie, cette inclination signifie que la liberté d’entreprendre doit conduire à la mise en concurrence d’une multiplicité de petites entreprises et, par là-même, contribuer au plus grand bien des consommateurs. Par ‘entreprise’, on entend en réalité l’individu personne physique. Cette vision libérale de l’économie se concrétise grâce à trois réformes fondamentales : l’abolition de la féodalité, le décret d’Allarde et la suppression des corps, c’est-à-dire les corporations et les manufactures, et la loi Le Chapelier qui interdit aux citoyens d’une même profession, ouvriers ou maîtres, de constituer, ce que nous appellerions aujourd’hui un ‘syndicat’».
Avec la Révolution industrielle, née en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, qui s’étend tout au long du XIXe siècle à l’Europe continentale, l’économie acquiert une nouvelle dimension. Le capitalisme industriel prend son essor en Europe du Nord où il trouve à la fois la main-d’œuvre et les ressources énergétiques essentielles à son développement. Les revendications des travailleurs, d’abord réprimées par le Code pénal, vont «être prises en considération à partir du dernier tiers du XIXe siècle, à travers l’adoption de législations protectrices de la partie faible dans la relation de travail. La ‘question sociale’ contribue dès lors à l’émergence d’une nouvelle branche du droit, qui ne cessera de se développer depuis lors : le droit social (ou droit du travail)».
Parallèlement à la naissance du droit social, apparaissent les premières lois destinées à préserver le marché face au libéralisme débridé qui le menace. La concurrence effrénée que se livrent à l’époque les entreprises – les plus fortes éliminant les plus faibles – aboutit à la constitution de monopoles qui sont la négation du marché et du libéralisme. Le Congrès des Etats-Unis sera le premier à voter une loi en 1890 (Sherman Act) qui permettra de contrôler et éventuellement de sanctionner les entreprises qui nuisent à la concurrence. Le droit antitrust ou droit de la concurrence est né.
(1) Nicolas Thirion, Thierry Delvaux, Audrey Fayt, Deborah Gol, David Pasteger, Mathieu Simonis, Droit de l’entreprise, Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, 2013.
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