De quoi la littérature belge est-elle le nom ?
L’historiographie de la littérature belge écrite en français est le reflet de son époque. De la Belgique unitaire, baignant largement dans le « mythe nordique », on est ainsi passé à la référence française et à l'émergence des « littératures francophones », pour ensuite explorer sociologiquement la « belgitude » et les « littératures périphériques » .
Telle est, en effet, l'impression qui se dégage à la lecture de l'imposant corpus (1) rassemblé par Björn-Olav Dozo (chargé de recherches FNRS – Centre d’études de la littérature francophone de Belgique de l’université de Liège) et François Provenzano (chargé de cours, unité de sciences du langage et rhétorique, département de langues et littératures romanes de l’université de Liège). Cette compilation de douze métadiscours relatifs aux productions d'écrivains s'exprimant dans la langue de Molière suit un ordre à la fois diachronique et synchronique. Le premier couvre une époque où la Belgique était toujours unitaire jusqu'à celle où elle est – après moult vicissitudes – devenue fédérale, ce qui va de la seconde moitié du XIXe siècle aux premières années du XXIe. Le deuxième, quant à lui, s'articule selon quatre angles d'attaque ainsi libellés : « construire l'histoire », « inscrire la langue », « vivre la société », « penser les concepts ». C'est là un déploiement qui permet de se faire une idée circonstanciée des diverses expérimentations théoriques ayant ponctué, dans la longue durée, les propos sur le fait littéraire belge. Jalons d'un laboratoire théoriqueL'approche historique s'engage avec Charles Potvin qui, en 1870, voit dans la nation – qu'il fait remonter très loin dans le passé – le ferment séculaire d'une marche vers un mieux auquel les écrivains ont su apporter un concours décisif. « Oui, nos écrivains se sont toujours élevés au poste de vedettes du progrès », s'enthousiasme-t-il. Francis Nautet, pour sa part, décèle dans l' « âme belge » chère à Edmond Picard la justification profonde de l'expression littéraire originale des auteurs belges. L'accouchement fut certes lent, reconnaît-il, mais grâce au romantisme opérant « la fusion de la pensée latine et de la pensée germanique, nous sommes [enfin] touchés. Par dualité ethnographique, nous nous trouvons au confluent de deux courants intellectuels ; nous avons désormais une raison d'être littéraire ». En 1921 enfin, rompant avec cette conception idéalisée à un moment où les revendications linguistiques flamandes se font de plus en plus pressantes, Paul Hamelius découvre dans le territoire du pays et son histoire la source d'une inspiration s'arrêtant en priorité « à l'accident au lieu de s'élever à l'idée pure ». Car, à ses yeux, « les auteurs [belges] se font la voix du peuple, [...] et ne s'expliquent bien que par l'étude de leur milieu ». ![]() (1) Björn-Olav Dozo et François Provenzano, Historiographie de la littérature belge. Une anthologie. ENS éditions, 2014. |
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