Ces dernières semaines de nombreux débats ont eu lieu dans la presse concernant les coûts de l’électricité et en particulier les coûts de subvention des énergies renouvelables. Ces débats ont sans doute occulté le fait que les prix de l’électricité sur les marchés de gros sont particulièrement bas de nos jours. Plusieurs facteurs expliquent cela. Il y a par exemple la crise économique qui a réduit la demande en électricité ou encore les faibles coûts de production des centrales électriques au charbon qui profitent de la diminution du prix de leur combustible et de l’effondrement des prix des quotas de CO2. Il est également bon de souligner que les énergies renouvelables se développent et bénéficient de la priorité à l’injection sur le réseau, ce qui a pour effet de diminuer également les prix sur les marchés de gros.
Alors que ces prix très bas sont plutôt une bonne nouvelle, il est néanmoins important de gérer leur incidence sur la sécurité en approvisionnement en électricité dans notre pays. En effet, avec la diminution du prix de l’électricité, les centrales au gaz belges qui ont un rôle crucial à jouer en matière de sécurité d’approvisionnement en électricité ne sont plus rentables et sont menacées de fermeture. Cela est dû au fait que le nombre d’heures pendant lesquelles elles peuvent vendre leur électricité à un coût supérieur aux prix du gaz qu’elles brûlent est aujourd’hui inférieur à 2000 h par an. C’est-à-dire environ 3 à 5 fois moins que ce pourquoi elles ont été conçues, ce qui ne suffit pas à compenser leurs coûts fixes. Si ces centrales venaient effectivement à fermer, et ce dans un contexte de démantèlement prochain de plusieurs tranches nucléaires en Belgique, cela laisserait notre pays beaucoup trop dépendant des importations en électricité lorsqu’on aurait simultanément une pointe de consommation et un fonctionnement réduit des énergies renouvelables. C’est une situation typiquement encourue en fin d’après-midi par période de grand froid. Si nos voisins sont également en situation de sous-capacité de production à ces moments là ou si le réseau électrique européen a atteint sa limite de capacité de transmission en certains endroits clés, il ne nous sera pas possible d’importer suffisamment d’énergie électrique pour équilibrer la consommation du pays. Dans ces situations, le risque de blackout est bien réel, avec toutes les conséquences socio-économiques dramatiques que l’on imagine aisément.
Le gouvernement est bien entendu au courant de ce problème de sécurité d’approvisionnement. Il faut dire que la Belgique était déjà très exposée cet hiver au point que le gestionnaire du réseau de transmission (ELIA) a dû mettre en place des plans de délestage de certaines régions du pays afin de faire face au risque susmentionné. Et cela alors que nos centrales au gaz étaient toujours prêtes à fonctionner !
Le gouvernement a annoncé récemment que pour résoudre ce problème de sécurité d’approvisionnement, il allait mettre au point un mécanisme de subvention pour la construction de nouvelles centrales au gaz. Son objectif est de favoriser l’implémentation de nouvelles centrales au gaz naturel de type Turbine Gaz Vapeur (TGV) qui seraient quelque peu plus efficaces que leurs homologues actuellement en fonctionnement. Ce mécanisme de subvention risque néanmoins d’être inefficace. |
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En effet, il faudra au moins 5 ans pour concevoir et mettre en service une nouvelle unité TGV si l’on tient compte des procédures d’autorisation nécessaires. C’est trop long pour répondre à l’urgence de la situation. Si l’on ne fait rien, les centrales TGV actuelles fermeront bien avant, ce qui laisserait la Belgique terriblement exposée à des risques de blackout pendant plusieurs années.
D’autre part, on peut se demander si c’est réellement une solution d’avenir d’investir dans de nouvelles unités TGV pour gérer le problème de l’intermittence des énergies renouvelables. Ne faudrait-il pas plutôt développer des solutions plus innovantes comme celles basées sur la gestion active de la demande en électricité ou sur du stockage de l’énergie électrique sous forme d’hydrogène ? Investir dans ces solutions innovantes offrirait également la possibilité de créer en Belgique un tissu industriel qui pourrait par la suite commercialiser les solutions développées pour notre pays à l’étranger. Et si vraiment de nouvelles unités au gaz naturel sont nécessaires pour couvrir les quelques heures pendant lesquelles l’approvisionnement en électricité est très problématique, il serait plus judicieux de miser sur des unités à cycles ouverts. Ces équipements ont certes des rendements énergétiques un peu plus faibles que les unités TGV, mais leurs délais de construction et les investissements nécessaires sont beaucoup plus faibles.
Je pense dès lors que pour résoudre ce problème de sécurité d’approvisionnement, notre gouvernement devrait mettre en place deux types de politiques: une politique court/moyen terme et une politique long terme. La politique court/moyen terme aurait pour objectif d’assurer dans les quelques années qui viennent notre sécurité d’approvisionnement en faisant en sorte que les centrales au gaz actuellement implantées en Belgique et toujours performantes restent en fonctionnement. Cela pourrait être réalisé à un coût beaucoup plus faible que celui qui serait nécessaire pour construire de nouvelles centrales au gaz.
Enfin, la politique long terme devrait quant à elle s’éloigner du dogme selon lequel il est nécessaire d’avoir de grosses centrales au gaz sur notre territoire pour assurer notre sécurité d’approvisionnement en électricité et investir dans des technologies innovantes. |