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De la boîte de Pétri à la bioinformatique
30/05/2013

Identifier, dénombrer: les deux objectifs sont donc remplis. Ou presque. Car il n’est pas encore possible de cerner chaque bactérie au nombre près, seulement d’en donner des proportions évaluables les unes par rapport aux autres. Il importe pourtant de connaître précisément ces quantités au nombre près, si bien que cet objectif fait d’ores et déjà l’objet d’un autre projet de recherche emmené par le Pr Georges Daube. « L’idée est d’en finir avec ce vieux réflexe de l’industrie agro-alimentaire, qui tend à considérer que les bactéries présentes en quantités supérieures au million sont mauvaises et dégradent l’aliment. C’est pourtant inexact. Certaines bactéries, quoique présentes en grandes proportions dans l’aliment, s’avèrent neutres et participent de son goût ou de son odeur au lieu de le dégrader ».

Applications pratiques

Premier exemple d’application: « La métagénomique ciblée peut servir à valider les dates limites de consommation des produits alimentaires », s’enthousiasme George Daube. Etonnamment peut-être, celle-ci est jusqu’à présent restée très empirique: laisser vieillir le produit, le goûter quotidiennement, la date de péremption étant fixée quelques jours avant les premiers signes d’altération. Au niveau bactériologique, comme il était uniquement possible de détecter, dans un aliment donné, la présence ou l’absence de certaines bactéries ou l’importance de populations mal définies, l’industriel tend à en diminuer systématiquement la quantité sous le seuil du million (au-delà duquel il est généralement admis qu’une bactérie pourrait exprimer son potentiel de dégrader un aliment), avec des conséquences directes sur la date de péremption: « diminuer un type donné de germes, c’est laisser une  place libre pour que d’autres germes viennent s’y multipler. Dans un aliment, les bactéries sont, en quelque sorte, en compétition les unes avec les autres ». Prenons la bactérie Leuconostoc, qui confère aux aliments un caractère gluant, et est ainsi intégrée à certains yaourts pour les rendre crémeux. Mais sur des tranches de jambon cuit mises au frigo, la même bactérie se multiplie au froid et fait apparaître sur ces tranches un enduit visqueux, souvent le premier signe que le jambon est altéré. Dans le premier cas, Leuconostoc est donc une bactérie qu’il convient de favoriser, et, dans l’autre, d’inhiber. « On est donc à mille lieues du discours du ‘tout stérile’. Certains aliments doivent pouvoir contenir un nombre important de micro-organismes dans la mesure où ceux-ci protégeront le produit. La métagénomique ciblée permettra désormais de favoriser en laboratoire la bioprotection de ces aliments ».

Autre application: le suivi de fermentation. Les produits fermentés sont des produits dans lesquels des bactéries mais aussi souvent des levures, voire des moisissures doivent se développer . Un fromage, un saucisson, une choucroute: autant de produits qui n’existeraient pas si des bactéries n’y étaient pas laissées volontairement pour les fermenter. fermentés« Mais la fabrication se déroule aujourd’hui encore sans que le fabricant sache réellement quelles sont les bactéries qui se multiplient durant la fabrication, et lesquelles seront encore dans le produit final. Autrement dit, le fabricant a hérité d’une recette constituée par essais et erreurs au fil des ans. Son processus de fabrication n’est pas contrôlé, tout simplement parce qu’il n’existait pas, jusqu’à aujourd’hui, de méthode de contrôle ». La métagénomique ciblée permet à présent d’objectiver le savoir-faire du fromager. « Celui-ci constate aujourd’hui qu’il n’est potentiellement plus le seul à connaître son produit. Pouvoir en identifier plus précisément la composition lui permet désormais de modifier sa recette ou bien — et un certain intérêt nous a déjà été manifesté en ce sens — aller acheter les fromages de ses concurrents pour en déterminer la composition !».


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