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Le pape François se trompe-t-il ?
23/05/2013

Ce ne sont pas les « Marchés », bien sûr, qui sont à l’origine du démantèlement de Bear Stearns et de Lehman Brothers aux USA ; de l’effondrement de Fortis et de Dexia en Belgique ; ou de la faillite du système bancaire chypriote. C’est l’incompétence, l’irresponsabilité et la cupidité de leurs dirigeants et, plus encore, de leurs administrateurs. C’est aussi, sans aucun doute, le fruit de la consanguinité observée entre le pouvoir politique, les autorités de tutelle et de contrôle (banques centrales comprises…) et les grands décideurs. Pratiquement partout dans le monde, les dirigeants opérationnels et les administrateurs des grandes institutions financières,  de quelque nature qu’elles soient, sont, directement ou indirectement, mis en place par le pouvoir politique. Dans un tel contexte, est-il surprenant que le démantèlement des structures en difficulté lui-même n’ait laissé aucune place à celles et ceux qui étaient censés en être les propriétaires ?

Au cours d’un discours prononcé en septembre 2011 à l’université de Liège, le second président du Sénégal Abdou Diouf déclara : « La démocratie n’est pas un système politique, c’est une éthique ! » N’est-il pas emblématique que ce soit un éminent représentant du continent africain qui nous le rappelle ? En tant que « Système politique » permettant d’accéder au pouvoir, de le conserver et, parfois, de le transmettre, la démocratie est malheureusement sujette aux mêmes déviances que les autres systèmes, si ceux qui ont été choisis par le plus grand nombre pour les représenter et les guider ne sont pas dignes de la confiance qu’ils ont inspirée. En fait, l’incompétence et l’irresponsabilité de nombreux dirigeants est un phénomène bien connu, particulièrement pénalisant pendant les périodes d’euphorie financière (6). L’excellent ouvrage d’Alain Lempereur (7), et le rapport officiel de la Financial Crisis Inquiry Commission (8) sur la crise récente, ses causes et ses conséquences, y font largement référence. De tels disfonctionnements, qu’illustre aussi une corruption légale, Ziobrowski et al. (9), Kroft (10), sont au cœur de la dynamique ayant entraîné notre monde au bord du gouffre.

subprimes1Milton Friedman (11) rappelle que les marchés constituent le seul rempart à la tendance naturelle qu’a le pouvoir politique à concentrer tous les pouvoirs. Pour remplir leur mission, en dehors du cadre réglementaire et légal en assurant le respect et les modalités de fonctionnement, les marchés exigent l’accès à une information de qualité pour tous, une égalité de traitement dans le cadre de transactions librement consenties, et un comportement responsable de la part des intervenants. Les marchés constituent donc un simple « Mécanisme », aussi objectif que possible, de recherche et de fixation du prix (de la valeur économique) des « Objets » sur lesquels repose une éventuelle transaction.  En tant que tel, il paraît donc difficile qu’ils puissent être tenus pour responsables des choix faits quant aux objets qui leur sont soumis ! Pour Friedman, ils sont les seuls garants de notre liberté… Sans doute constituent-ils aussi un puissant antidote à la folie des hommes ?

(6) Galbraith J., 1990, Brève histoire de l’euphorie financière, (Paris: Seuil).
(7) Lempereur A., 2009, Le leadership responsable : un allié sûr contre la crise, (Paris: Lextenso Editions).
(8) Financial Crisis Inquiry Commission, 2011, Report on the causes of the financial crisis, http://fcic.law.stanford.edu.
(9) Ziobrowski A., J. Boyd, P. Cheng and B. Ziobrowski, 2011, “Abnormal Returns From the Common Stock Investments of Members of the U.S. House of Representatives”, Business and Politic, Vol. 13.
(10) Kroft S., Rosen I, and Schonder G., 2011, Congressional insider trading gone wild, CBS News: 60 Minutes, Nov 13.
(11) Friedman M., 1962, Capitalism and Freedom, (Chicago: University of Chicago Press).

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