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Bioéthanol : éviter de comparer des pommes et des poires
17/05/2013

Autre conclusion issue des modélisations : Si l’on tient compte d’autres catégories d’impact que les émissions de GES et l’épuisement des ressources fossiles telles que l’écotoxicité, l’acidification des sols et l’eutrophisation des eaux par rejets polluants, on s’aperçoit que la fabrication des bioplastiques entraîne plus de dommages pour l’environnement que la filière plastique traditionnelle. Et cela, quelle que soit la matière première envisagée.

Pas de quoi remettre BioWanze en cause

Enfin, troisième grande catégorie de résultats : le temps de retour sur le changement climatique. Il s’agit du nombre d’années nécessaires pour qu’une culture « économe » en émissions de gaz à effet de serre compense son effet négatif lié au changement d’affectation des sols. Ainsi, si l’on tient compte des émissions de GES entraînées par la déforestation liée à la culture de canne à sucre brésilienne destinée à du biocarburant, le temps de retour varie entre 39 et… 152 années (dans l’hypothèse de changements indirects dans l’affectation du sol). Pour les cultures belges utilisées en tant que biocarburant,  les changements indirects d’affectation des sols concernent la transformation de pâturages en culture de froment ou de betterave dans d’autres pays de l’Union Européenne (sous réserve de l’obtention d’une dérogation de la Politique Agricole Commune). Dans ce cadre prospectif, les temps de retour calculés sont nettement plus courts, à savoir 14 ans pour le froment et 10 ans pour la betterave. Dans le cas des bioplastiques, les temps de retour varient entre 26 et… 101 années pour la canne à sucre (changements indirects, là aussi). Ils sont de 31 années pour la betterave d’Ukraine et 8 années pour la betterave belge. Pour le froment belge, il est de 14 années.

De telles conclusions ne sont pas de nature, loin s’en faut, à remettre en cause l’implantation d’unités de production de bioéthanol comme celle de BioWanze. Pour produire ses 300.000 tonnes annuelles, l’usine mosane a en effet recours à des betteraves strictement locales et à des céréales originaires d’une zone dont le rayon est inférieur à 300 kilomètres. Mais, au gré des évolutions du marché des matières premières et des réglementations, les travaux de Sandra Belboom, étendus à la prise en compte de conséquences plus larges sur la macroéconomie, pourraient s’avérer utiles à toutes sortes de décideurs. Car l’histoire des biocarburants, que certaines organisations environnementales préfèrent appeler  agro-carburants (les distinguant ainsi d’une protection labellisée « biologique »), est loin d’être un long fleuve tranquille. La Commission européenne, par exemple, a récemment proposé de faire passer de 10 à 5 % la part obligatoire de carburants d’origine végétale prévue dans les transports à l’horizon 2020. Objectif : freiner le phénomène inquiétant d’accaparement des terres dans les pays du Sud, par lequel des investisseurs substituent les cultures énergétiques aux cultures traditionnelles, contribuant ainsi à la flambée des produits alimentaires de base et à de graves problèmes sociaux, particulièrement chez les paysans.

recolte canna a sucreDe telles considérations n’ont évidemment pas été prises en compte dans le travail de Sandra Belboom. « Il va de soi que le volet que j’ai étudié, strictement environnemental, devrait idéalement être complété par une perspective de développement durable. On peut très bien imaginer que la même approche - l’Analyse de cycle de vie - serve de support à des analyses économiques et sociales. A terme, une analyse globale de ce type devrait d’ailleurs pouvoir se faire sur les biocarburants de deuxième génération (déchets végétaux, résidus de scierie, etc.) ». Aucun doute : au vu des crises climatique et énergétique, on n’a pas fini d’entendre parler des bio- ou agrocarburants…


V13-Bio-carburant

Voir également la vidéo Biocarburants : remède aux gaz à effet de serre?

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