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Bioéthanol : éviter de comparer des pommes et des poires
17/05/2013

Du semis à l’incinération

Annalyse cycle de vieC’est ici qu’intervient le travail de Sandra Belboom, assistante au Département de chimie appliquée de l’Université de Liège. Dans sa récente thèse de doctorat (2), la jeune chercheuse a voulu pousser le plus loin possible - c’est-à-dire à partir des données les plus fiables disponibles à l’heure actuelle - l’analyse des impacts environnementaux de la production de bioéthanol et de bioplastique. « Mon objectif ultime consistait à identifier la meilleure utilisation possible de bioéthanol en fonction de la matière première utilisée. Pour cela, j’ai utilisé la méthode de l’Analyse du cycle de vie (NDLR : en anglais : « Life Cycle Assessment », LCA). Normé par Iso et encadré par l’Union européenne, cet outil a l’avantage de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie d’un produit depuis le semis et la culture de la plante jusqu’à la fin de vie du produit (par exemple l’incinération s’il s’agit d’un bioplastique), en passant par le transport, la transformation, etc. »

La chercheuse a modélisé une quinzaine de scénarios basés sur trois éléments : la matière première (froment, betterave et canne à sucre), le lieu de culture et de transformation (l’Europe – plus précisément la Belgique et l’Ukraine – d’une part, le Brésil d’autre part) et, enfin, le type d’utilisation du bioéthanol (biocarburants ou bioplastiques). « Le choix du Brésil s’est imposé du fait  que ce pays a une longue tradition de culture de la canne à sucre et parce qu’il dispose de capacités de production importantes pour les deux types d’usage. De plus, au vu de la demande croissante en biocarburants au niveau mondial, les pays européens pourraient à l’avenir se tourner vers ce pays pour l’importation de produits finis ». Le choix de la Belgique, lui, tombe sous le sens, dans la mesure où l’objectif européen d’utilisation des biocarburants consiste à utiliser un maximum de ressources locales et à réduire l’importation des matières premières au profit d’une indépendance énergétique accrue. En outre, on dispose en Belgique d’informations de terrain fiables et robustes, validées par des experts que Sandra Belboom  est allée consulter tant à Gembloux Agro Bio Tech qu’auprès de l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab). Le choix de l’Ukraine, enfin, se justifie par la volonté de comparer la situation belge avec une région agricole européenne réputée disposer d’énormes étendues culturales, mais présentant de très faibles rendements. 

Outre le passage en revue de l’abondante littérature internationale relative au bioéthanol (3), le travail de Sandra Belboom a consisté à modéliser l’impact environnemental des principales étapes de la production de bioéthanol : la culture, le transport du champ vers l’usine, la transformation en bioéthanol hydraté, la conversion de ce dernier en biocarburant ou bioplastique et la fin de vie. Un accent tout particulier a été accordé au changement d’affectation du sol, qu’il soit direct (par exemple la transformation d’une forêt ou d’un pâturage en culture énergétique) ou indirect (déplacement de cette culture sur d’autres terres ce qui entraine des changements d’affectation des sols). Qu’en ressort-il ? « Si on se place sur le terrain des émissions de gaz à effet de serre et de l’épuisement des ressources fossiles, sans tenir compte des changements directs et indirects d’affectation des sols, tant la filière bioplastique que la filière biocarburants sont plus avantageuses que les filières classiques (NDLR : c’est-à-dire à partir de ressources fossiles), et cela quelle que soit la matière première utilisée (4). En ce qui concerne strictement la filière bioplastique, le polyéthylène à haute densité (HDPE) produit à partir de la canne à sucre s’avère le plus avantageux, en dépit de la contrainte du transport à assumer depuis le Brésil jusqu’en Belgique. Il est directement suivi par le HDPE issu des cultures belges. Parmi ces dernières, la betterave devance le froment car elle permet de produire plus de bioplastiques par unité de surface cultivée. En revanche, si l’on tient compte cette fois des changements dans l’affectation des sols, les cultures locales – à savoir le froment et la betterave – sont à privilégier à la canne à sucre et aux cultures d’Ukraine ».

(2) « Evaluation de l’impact environnemental de la production de bioéthanol à partir de canne à sucre, betterave ou froment par analyse du cycle de vie. Comparaison des utilisations biocarburant et bioplastiques». 
(3) La littérature sur la filière bioplastique, d’apparition plus récente, est toutefois nettement plus limitée que celle relative aux biocarburants.
(4) Dans cette situation, on ne tient pas compte des modifications sur les marchés internationaux, qui pourraient résulter d’une décision de privilégier le plastique à grande échelle.

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