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A la mode de chez MOOC

DVerpoorten
Carte Blanche publiée dans le journal La Libre Belgique, le 24 avril 2013



Dominique Verpoorten est chargé de cours à l'IFRES (Institut de Formation et de Recherche en Enseignement Supérieur), ULg.
Il est également résponsable académique de eCampus, la plateforme d'enseignement à distance de l'Université de Liège.

Qu’on les appelle « MOOC » (Massive Open Online Courses) ou « CLOM » (Cours en ligne ouverts aux masses), les cours massifs bousculent la forme traditionnelle des cours en amphi.

Le site Internet Coursera fédère plus de 300 de ces cours offerts – c’est gratuit – par un consortium de plus de 60 universités – contre 5 en septembre 2012. Sur sa page d’accueil, Coursera déclare plus de 3 millions d’  « étudiants ». Si les cours liés à l’informatique restent les plus nombreux, l’offre se développe en géographie, droit, médecine ou sciences humaines. L’ancêtre commun à tout le catalogue est un cours d’Introduction à l’intelligence artificielle délivré gracieusement par deux enseignants de Standford d’octobre à décembre 2011. Suite à un battage bien organisé, ce cours suscite 160.000 inscriptions et 23.000 de ces inscrits recevront une attestation de réussite.

En pratique

L’organisation est la suivante : chaque semaine, les titulaires du cours et les spécialistes du domaine qu’ils invitent déposent sur Internet un exposé vidéo d’une demi-heure au total mais découpé en mini-leçons de 5 à 10 minutes, la plupart directement prolongées par un test corrigé automatiquement et instantanément. En même temps que leur résultat, les étudiants reçoivent l’accès à une vidéo expliquant les réponses attendues. Les titulaires postent également chaque semaine un devoir, sous la forme d’un problème à résoudre dans les 7 jours. Un examen plus conséquent intervient à mi-parcours ainsi qu’à l’issue du cours, avec le même recours à la correction automatique. Un tableau de bord conserve la trace des points obtenus par chacun lors de toutes les épreuves. Un forum de discussion équipe le cours. Il recevra en tout 4.000 questions et 13.000 réponses postées par des participants aux 4 coins du monde (190 pays sont représentés dans les inscrits). Les enseignants répondent aussi mais au travers des vidéos, commentant, de semaine en semaine, les points les plus intéressants ou les plus difficiles émergeant des échanges.

Adaptations

Ce cours emblématique sera suivi par d’autres (1) qui en modifieront certains aspects. Les initiatives canadiennes et européennes (rares jusqu'à aujourd’hui) accentueront par exemple l’activité communautaire auquel le cours donne lieu (mail quotidien résumant les discussions dans les forums, contributions des participants à une bibliothèque de documents, systèmes de traçage de tout ce qui se poste sur Facebook ou dans les blogs en rapport avec le cours, évaluations par les pairs…). Ces différences (2) sont intéressantes mais elles n’affectent pas les principes qui contribuent au succès du dispositif. Parce que les vidéos et les ressources sur lesquelles ils s’appuient sont disponibles à tout moment en ligne, les CLOMs introduisent une grande flexibilité dans le moment et le rythme d’étude. Les formats courts des vidéos et la place donnée aux échanges électroniques flattent une génération grandie dans le zapping et les réseaux sociaux. Les CLOMs « désenclavent » la partie magistrale d’un cours, en reliant étroitement les exposés à des tests, à des travaux individuels, à des discussions collectives. Les CLOMs systématisent le principe de la classe inversée (« flipped classroom ») qui préconise de laisser les étudiants s’approprier la matière et  faire les exercices chez eux. Le temps précieux du cours, c’est-à-dire celui de l’interaction directe avec l’enseignant qui conserve une grande valeur pour les étudiants, se voit alors réservé pour discuter des difficultés (individuelles ou collectives) rencontrées et pour aller plus en profondeur sur le sujet.


MOOC

Apprentissage actif

La mode des MOOC n’est pas exempte de critiques. Celles qui suspectent ce format éducatif de véhiculer, à côté des intentions généreuses liées à l’accès ouvert, des idées de captation du marché mondial de la formation par quelques universités prestigieuses et richement dotées – ou par des acteurs privés – sont à prendre au sérieux (3). Toutefois, les leviers d’apprentissage actif et autonome promus par les MOOC peuvent inspirer une frange des cours actuellement donnés en amphithéâtre. L’un des titulaires du cours d’intelligence artificielle ne rapporte-t-il pas que 200 étudiants avaient opté pour un mode d’enseignement traditionnel : en auditoire, sur le campus. A la fin du trimestre, seuls 30 d’entre eux le suivaient encore, le reste ayant préféré voir leur prof en vidéos et migré vers la version MOOC !

Conditions

Tester la formule ne va cependant pas de soi. Du côté de l’enseignant, cela passe par un questionnement de la valeur ajoutée du cours magistral et de son insertion dans une trame d’apprentissage plus précise. Du côté de l’élève, il s’agit d’entrer dans une dynamique d’engagement personnel avec le cours. Pour certains, ce n’est pas facile. Pour d’autres, ce n’est pas souhaité : des études ont montré une tendance des étudiants à attribuer des évaluations plus basses aux cours stimulant un apprentissage actif, et ce même si le gain d’apprentissage y était plus élevé ! Cette approche anglo-saxonne convient-elle au contexte européen ? A quels étudiants, niveaux d’étude, matières s’applique-t-elle avec fruit ? Exige-t-elle des prérequis en termes d’autonomie ou de motivation ou au contraire a-t-elle un effet d’entrainement sur ces deux moteurs de l’apprentissage ? En tout cas, sans même nécessairement viser le monde entier, les MOOC/CLOM ouvrent des pistes de réflexion en matière de cours en grands groupes, un format qui est largement pratiqué dans l’enseignement supérieur et le restera sans doute dans un contexte économiquement difficile.

(1) Voir les sites (fort interchangeables) : https://www.udacity.com, https://www.edx.org, http://futurelearn.com, https://www.canvas.net ou pour un exemple en français : http://www.itypa.mooc.fr. Un moteur de recherche s'est spécialisé dans les MOOC : http://www.class-central.com. Les MOOC ont leur lettre d'information : http://www.mooc.ca/newsletter.htm
(2)  http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/805339/de-qui-se-mooc-t-on.html
(3) Voir http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/778362/l-ere-des-cyber-etudiants.html


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