Chaque groupe de recherche représenté dans l’ouvrage dirigé par Liesbet Geris développe son créneau. Andy L. Olivares et Damien Lacroix, par exemple, utilisent des méthodes computationnelles pour améliorer la forme des matrices (scaffold en anglais, ce qui signifie échafaudage) qui servent de support aux tissus biologiques artificiellement cultivés. Alberto Cincotti et Sarah Fadda ont modélisé le processus de cryo-préservation cellulaire, une étape indispensable de l’ingénierie tissulaire. L’équipe de Manuela Teresa Raimondi s’est intéressée à la technique de régénération in vitro de cartilage, qui consiste à déposer des cellules de cartilage sur une matrice poreuse et la placer dans un bioréacteur. Les chercheurs proposent des modèles mathématiques pour décrypter les phénomènes complexes à l’œuvre dans ce type de culture. Paul N. Watton, Huifeng Huang et Yiannis Ventikos proposent, eux, une modélisation de la paroi artérielle.
« Toutes ces recherches, commentent Liesbet Geris ouvrent un nouveau champ d’expériences que l’on pourrait appeler « in silico». Car la modélisation computationnelle présente l’avantage de pouvoir être manipulée sans aucune contrainte. Vous pouvez tester toutes les hypothèses que vous voulez, sans utiliser le moindre animal de laboratoire. Dans un contexte législatif et social de plus en plus restrictif pour les expériences sur les animaux (in vivo), cette nouvelle fenêtre sur le réel est appréciable. » Cela dit, les chercheurs souhaitent développer un dialogue entre l’in vitro, l’in vivo et l’in silico, perçus comme des moyens complémentaires de percer les secrets du vivant. A l’image de cette recherche de Liesbet Geris sur des fractures dites non guérissantes, publiée récemment dans Plos Computational Biology, qui a précisément consisté à vérifier in vivo (sur le rat) des hypothèses d’abord testées in silico (voir Le génie biomédical tombe sur un os).
Pour Liesbet Geris, la méthode computationnelle et la modélisation doivent à l’avenir aider les chercheurs à mieux comprendre ce qui se passe chez les patients (certains guérissent, d’autres pas) ou dans les expériences in vivo Mais il faut jeter de nouvelles passerelles entre les médecins, les biologistes, d’une part, et les ingénieurs et les mathématiciens, d’autre part. Deux mondes qui ne parlent pas toujours le même langage : l’ouvrage Computational Modeling in tissue Engineering est truffé d’équations, principalement tirées du domaine de transfert de chaleur en physique… Que médecins et biologistes ne maîtrisent sans doute pas.
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