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Des balles magiques contre le cancer ?
15/03/2013

Déclencher au bon moment

Admettons que le nanovecteur soit arrivé intact à bon port, sa mission n’en est pas pour autant accomplie. Car si le principe actif encapsulé n’a pas été relargué en cours de route, il faut à présent qu’il soit libéré au niveau de la cellule-cible. Pour cela, la première étape est de s’assurer qu’il parvienne à y pénétrer, ce qui se fait le plus souvent par endocytose, et apparemment sans trop de problèmes.

Mais ensuite, comment faire pour que le vecteur libère le principe actif ? Là aussi différents artifices sont mis en place, pour tenter de faire réagir la capsule à des stimuli qu’elle ne rencontrera qu’au niveau intracellulaire. « Par exemple, explique Géraldine Piel, comme on sait que le pH est plus acide au niveau intracellulaire, et en particulier dans les cellules tumorales, on peut choisir pour l’encapsulation des composés qui changent de structure quand le pH devient plus acide, ce qui provoque un éclatement de la vésicule. »

On peut aussi utiliser des stimuli extérieurs, par exemple en choisissant des lipides sensibles à la température. On les injecte par voie intraveineuse dans la circulation générale, puis on place une source de chaleur à proximité de la tumeur (mais déjà la température de la tumeur est en général légèrement plus élevée que celle des tissus avoisinants). « Il existe déjà un exemple concret de cette approche, signale Géraldine Piel. C’est un liposome de deuxième génération sensible à la chaleur, à base de doxorubicine (un agent de chimiothérapie dont la toxicité cardiaque est importante) qui sera commercialisé dans le courant de 2013. » L’administration de ce produit destiné au cancer du foie et du poumon sera combinée à des techniques de réchauffement spécifique du site cancéreux.

Il est également possible d’activer le principe actif via un stimulus lumineux ou magnétique. Il existe par exemple un médicament contre la dégénérescence maculaire de la rétine (DMLA) qui réagit à une illumination de la rétine en libérant le principe actif. Certains songent aussi à insérer dans le montage des petites particules magnétiques qui vont réagir à des variations de champ magnétique. Ou d’agents de visualisation (particule métallique) pour pouvoir vérifier par imagerie médicale que le principe actif est arrivé à bon port. « On se heurte à beaucoup plus de barrières que ce que l’on pensait au départ et c’est ce qui explique qu’il n’y ait encore que très peu de produits sur le marché, résume Géraldine Piel. Il va falloir combiner des actions à plusieurs niveaux pour pouvoir délivrer de façon efficace les molécules actives. » Ce qui va aussi augmenter leur coût…

Il n’existe à l’heure actuelle qu’une quinzaine de spécialités commercialisées dans le monde, dont 13 à base de liposomes. Ces vecteurs sont uniquement utilisables en milieu hospitalier.

vecteur-futur

Véritablement multidisciplinaire

Concrètement, comment fabrique-t-on un vecteur ? «  Les chimistes nous façonnent des polymères « sur mesure », explique Géraldine Piel. Ainsi, des polyméristes de l’Université de Mons développent de nouveaux polymères prévus pour réagir à toute une série de stimuli. Par exemple, pour interagir avec des si-RNA, qui ont des charges négatives, il faut des polymères portant des charges positives. Nous les combinons donc avec des lipides ou des polymères cationiques. Le tout est aussi de trouver le bon rapport pour obtenir au final un objet qui a une charge légèrement positive – mais pas trop sinon c’est toxique ! –  parce que la surface des cellules porte des groupements négatifs. Nous pouvons donc jouer sur les affinités de la particule avec la cellule. » Bref, il faut arriver à une particule qui a la bonne taille, la bonne charge, des polymères suffisamment efficaces pour masquer le principe actif aux « yeux » des opsonines…

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