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La vente immobilière : une vente comme les autres ?
22/02/2013

meruleJustement, la jurisprudence a-t-elle beaucoup évolué ces vingt dernières années ? «Non, elle évolue très lentement», répond Benoît Kohl. «On observe une certaine stabilité et constance au travers des décisions analysées, à part quelques cas spécifiques. Par exemple, les problèmes liés à la mérule. La mérule est un champignon s’infiltrant insidieusement dans les toits et plafonds et attaquant les menuiseries et la maçonnerie. Ce phénomène était encore peu connu il y a une vingtaine d’années, et lorsque l’on analyse les jugements prononcés concernant les dégâts que cause la mérule, les tribunaux considéraient alors ce champignon nuisible comme un vice caché. Toutefois, même si la présence de manière visible de traces d’humidité sur les murs et les boiseries n’implique pas automatiquement l’existence de mérule, il apparaît maintenant que les tribunaux ne considèrent plus nécessairement la mérule comme un vice caché dans de telles circonstances. Il convient de faire appel à un spécialiste afin qu’il procède à un examen approfondi de l’état du bien et détermine s’il y a ou non mérule. Cet examen préalable permettra d’éviter de futurs litiges.» Des litiges qui sont beaucoup plus importants en matière de biens immeubles que de biens meubles. Encore convient-il de relativiser cette importance en soulignant que la grande majorité des transactions immobilières se déroulent sans le moindre accroc.

Davantage de ventes, davantage de litiges

«On enregistre davantage de litiges en matière d’immeubles pour principalement deux raisons», explique Benoît Kohl. «D’une part, ces ventes représentent des enjeux financiers importants ; d’autre part, c’est une vente qui se déroule souvent entre particuliers.» En effet, à l’exception de quelques cas limités, comme les véhicules d’occasion, par exemple, les particuliers ont rarement l’occasion de conclure une vente entre eux. Dans les ventes mobilières classiques, l’acheteur achète à une société qui a des obligations et devoirs particuliers à remplir par rapport à l’acheteur qualifié de consommateur et, à ce titre, protégé par la loi. Le client qui achète une télévision a des droits garantis. En revanche, dans le cas de l’immobilier, «les vendeurs se protègent plus facilement et l’acheteur est plus démuni». Précisons enfin, que l’on ne parle pas ici de maisons et logements à construire qui ressortent du droit de la construction. En ce qui concerne le contrat de vente, le notaire joue le rôle de garde-fou. Il effectue toute une série de vérifications au préalable, comme par exemple, la situation maritale du vendeur afin d’éviter que le mari ne vende la maison sans le consentement de l’épouse alors que chacun détient la moitié du bien. De la même manière, il vérifie la situation urbanistique de l’immeuble ou encore que l’acheteur dispose bien du montant nécessaire pour l’acquisition du bien.

Une autre explication au fait que l’on observe de nombreux litiges est la multiplication des ventes. «Les gens achètent et revendent davantage de biens d’habitation qu’auparavant», observe Benoît Kohl. «Il n’est pas rare qu’un quadragénaire ait déjà acheté deux ou trois maisons ou appartements alors que dans le passé, l’achat d’une maison était souvent considéré comme l’achat d’une vie. Il ne faut pas non plus négliger les ‘accidents de la vie’ comme la perte d’un emploi ou la séparation qui influencent également l’augmentation des (re)ventes d’immeubles.» Parmi les autres évolutions que constate Benoît Kohl, on peut pointer l’inflation de règles et d’obligations tant administratives qu’urbanistiques. Une inflation, source de litiges. «Le droit de la vente ne cesse de se complexifier. Aujourd’hui, un acte notarié comprend en moyenne de 10 à 20 pages alors qu’au début du siècle dernier, il tenait en deux pages», confirme-t-il. La vente immobilière demeure également une vente locale. Comme le rappelle Benoît Kohl, par ailleurs l’auteur d’un ouvrage consacré au droit européen de la promotion immobilière (lire l’article Un toit protecteur pour les Européens), «en la matière ce sont les règles nationales qui prévalent. C’est logique, un immeuble est lié au sol. On constate que si l’Europe souhaite harmoniser le droit de la vente, elle exclut toujours les biens immeubles de cette harmonisation. Maintenant, si vous souhaitez acheter un bien immobilier à un Belge en France, par exemple, rien ne vous interdit de signer le contrat de vente chez un notaire belge. Mais il est plutôt conseillé de passer devant un notaire français car ce dernier est au courant des réglementations locales en vigueur et vous éviterez ainsi d’éventuelles déconvenues».

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