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Plein gaz sur les bovins
08/02/2013

La base de données relative aux spectres compte, en Région wallonne, près de 2,5 millions de données et présente l’avantage d’être mise à jour tous les mois. C’est dire l’intérêt de la méthode ! D’autant plus que certaines informations concernent des animaux qui ne sont plus aujourd’hui productifs. En remontant dans le temps, on pourra donc vérifier dans quelle mesure les caractéristiques du lait d’un animal se sont transmises – ou pas – à sa descendance. A l’heure de la mondialisation de l’élevage (les taureaux reproducteurs de nos régions peuvent provenir des quatre coins de la planète), les méthodes traditionnelles n’auraient jamais pu apporter une telle précision. « Techniquement, la spectrométrie infrarouge est moins fiable que la chambre respiratoire ou le gaz traceur, ajoutent les chercheurs gembloutois. Mais cette faiblesse est largement compensée par l’ampleur de la base de données à notre disposition. Celle-ci nous permet, en outre, d’utiliser notre équation-méthane pour évaluer l’effet de l’alimentation et de la génétique avec, à terme, l’espoir d’aider l’éleveur à mettre au point les meilleures pratiques possibles dans son exploitation ».

Etiquetage carbone des aliments

testvachesLa mise au point de cette méthode survient à un moment stratégique.  En effet, les autorités européennes s’attèlent actuellement à définir une méthodologie harmonisée de quantification des émissions de méthane. Dans ce contexte, il est intéressant pour les chercheurs de Gembloux de donner une assise plus large à leur équation, c’est-à-dire pouvant s’appliquer à une population de référence la plus vaste possible. « Si la faisabilité de notre méthode est dorénavant établie,  et cela à un coût plus qu’acceptable sur le terrain (20 cents à un euro par analyse), il reste néanmoins à faire la preuve de sa robustesse en prouvant qu’elle est valable au niveau de toute l’Europe, voire bien au-delà, et qu’elle peut s’appliquer à tous les types de cheptels bovins. Des contacts fructueux ont été noués dans ce sens avec des centres de recherches irlandais et dans le cadre de réseaux internationaux comme l’Animal Selection, Genetics and Genomics Network. Cette démarche est d’autant plus vitale que la législation  européenne sur l’étiquetage carbone des aliments avance à grands pas. Dans le cadre de cette labellisation, il pourrait être inéquitable, pour certains éleveurs, de voir leur production laitière échapper à un étiquetage favorable faute d’avoir été identifiés comme peu émetteurs par une méthode suffisamment fine et individuelle. »

De là à voir l’équation méthane appliquée sans discernement, un peu comme un facteur décisif de « virginité environnementale », il y a un pas que les chercheurs de Gembloux se refusent à faire. « Si on aborde le problème par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire la réduction à tout prix du méthane, on risque de faire fausse piste ». En effet, on pourrait voir certains groupes d’intérêts prôner, par exemple, une alimentation des bovins centrée davantage sur les aliments concentrés au détriment du fourrage, ce qui réduirait sensiblement la production de méthane par kilo de lait par un effet d’intensification de la production. Mais une telle voie entraînerait immanquablement une émission accrue d’azote dans les effluents d’élevage qui, par l’action des populations bactériennes des sols, contribue à la libération de protoxyde d’azote, un gaz dix fois plus réchauffant que le méthane ! Surtout, il importe de tenir compte des cycles de vie de plusieurs éléments et de leurs équilibres respectifs. Si l’herbe favorise la fermentation dans le rumen (donc la production de méthane), il ne faut pas oublier pour autant que la prairie pâturée est aussi, et avant tout, un puits de carbone non négligeable et qu’elle permet de valoriser des terres où les cultures de rente ne sont possibles qu’avec des rendements très limités, tout particulièrement en Ardennes. Le rôle du ruminant, c’est de manger de l’herbe et de… ruminer. Le nourrir avec du maïs sous le prétexte que ce végétal engendre une moindre production de méthane par les bovins ne serait rien d’autre qu’une absurdité écologique au vu de l’impact d’une telle culture sur le plan environnemental. Et une voie intenable dans un monde qui s’oriente vers une population à 10 milliards d’individus. Bon à rappeler, dans le contexte multi-crises (climat, énergie, prix des denrées alimentaires, etc.) que nous connaissons depuis quelques années...

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