Et pour tester cette hypothèse la chercheuse a obturé le système digestif de ses crevettes grises en appliquant un point de colle sur la bouche et sur l’anus, ce qui nécessite assurément une bonne connaissance de l’anatomie de l’animal, de la dextérité et une colle résistante à l’eau… Les crevettes ont ensuite été immergées dans le même milieu que les crevettes abyssales : de l’eau de mer, additionnée d’un traceur radioactif, avec aussi un apport en molécules dissoutes. « D’après nos observations, il y a un transfert de matière organique via la carapace, comme chez les crevettes abyssales. De deux choses l’une, soit nos obturations du système digestif n’étaient pas efficaces, soit le tégument de la crevette grise est perméable contrairement à ce qu’on pense depuis des recherches menées dans les années 1960. »

Derrière ces recherches très pointues se cachent des questions fondamentales sur la manière dont des organismes évoluent et s’adaptent à leur milieu. La crevette des abysses est-elle une descendante des crustacés issus des milieux côtiers ? Elle se serait adaptée au milieu très particulier des abysses, en abandonnant petit à petit un régime alimentaire basé sur un système digestif et en développant un fonctionnement de type symbiotique. Mais il reste alors encore de nombreuses recherches à faire sur le sujet pour répondre à de telles questions.