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Une façon de se nourrir peu banale
28/01/2013

Au fond des océans, les sources hydrothermales sont de véritables oasis. Sans aucune lumière, la photosynthèse y est impossible mais des bactéries parviennent à y fabriquer de la matière organique par chimiosynthèse, c’est-à-dire en utilisant l’énergie de composés chimiques tels que le H2S par exemple. Dans ces milieux, des animaux, notamment des crevettes et des vers, accueillent sur une partie de leurs tissus des colonies de ces bactéries chimio-synthétiques, un véritable « garde-manger » dans la mesure où celles-ci sont la principale source de molécules organiques dont ces animaux ont besoin pour vivre et se reproduire. Une étude réalisée par Julie Ponsard et ses collègues, publiée dans la revue de l’International Society for Microbial Ecology (ISME), démontre que, chez la crevette Rimicaris exoculata, le transfert de nutriments entre les bactéries et la crevette se fait d’abord via la carapace plutôt que par le système digestif. Ceci remet en question le paradigme considérant que la carapace des crustacés est très imperméable aux substances organiques dissoutes.

Il y a des coins sur la Terre qui demeurent plus mystérieux que l’Espace. Les fonds océaniques abyssaux font partie de ces « terra incognita ». Il y a quelques dizaines d’années encore, les scientifiques pensaient que la production primaire était impossible là tout en-dessous, où la lumière du soleil n’arrive jamais et où la photosynthèse est impossible. Puis on a découvert les sources hydrothermales, sorte de volcans sous-marins qui génèrent de la chaleur et une activité géologique et chimique propices au développement de certaines formes de vie. « Ce sont les véritables oasis des fonds marins, explique Julie Ponsard, chercheuse à l’unité de morphologie ultrastructurale (laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive) de l’Université de Liège. La vie s’y révèle abondante et diversifiée ». Selon certaines théories très controversées, il se pourrait même que ces sources hydrothermales aient vu les premières formes de vie se développer sur Terre il y a 4 milliards d’années.

plaques-tectoniques

C’est dans ce milieu que vit une étrange crevette nommée Rimicaris exoculata. On la trouve pas très loin des Açores, sur la dorsale médio-atlantique, une chaîne de montagnes volcaniques de plusieurs milliers de kilomètres de long au milieu de l’océan. Ce spectaculaire relief sous-marin résulte de la rencontre entre les plaques des Amériques et les plaques Eurasienne et Africaine. Par endroit, la dorsale est truffée de cheminées par lesquelles s’échappent des gaz provenant du magma en fusion. Difficile d’imaginer la moindre vie à la sortie même de la cheminée où les températures peuvent atteindre plusieurs centaines de degrés. Mais l’eau se fait plus tiède (entre 10 et 15 degrés) sur les parois des cheminées. Et là, la vie explose ! Une vie microbienne tout d’abord, des bactéries chimio-synthétiques qui tirent leur énergie non pas de la lumière du soleil, mais de réactions chimiques utilisant des éléments de leur environnement  (du souffre, du méthane, de l’hydrogène, du fer…) pour fixer le carbone et réaliser la synthèse de la matière organique. Autour de ces bactéries gravitent d’autres organismes, animaux ceux-là, qui trouvent dans les bactéries une source de molécules organiques, soit en consommant directement les tapis bactériens développés près des sources hydrothermales, soit en formant des associations symbiotiques avec ces bactéries.

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