« Mais nous voudrions également comprendre par quels mécanismes l’environnement peut engendrer ces pathologies, continue Michelle Nisolle. Pour l’endométriose, le projet que nous allons développer vise à rechercher dans les prélèvements réalisés l’expression des micro-ARN. En effet, les mi-ARN modulent l’expression des gènes de l’inflammation, de l’apoptose, de l’adhérence des cellules, de l’angiogenèse, etc., bref de tous les mécanismes qui influencent les étapes importantes du développement de l’endométriose. »
Le projet fera appel aux nouveaux outils de la biotechnologie pour explorer la méthylation de l'ADN du génome entier et les profils d'expression des mi-ARNs. Il tentera de dégager les anomalies épigénétiques à l’œuvre dans les différentes formes d’endométriose (péritonéale, ovarienne et rectale) dont l’impact sur la fertilité est différent.
Il s’agira ensuite d’investiguer le lien entre ces gènes méthylés et les contaminants environnementaux. Cela se fera via un questionnaire portant sur le milieu d’origine, l’ethnie, (les femmes qui ont vécu dans des pays où l’usage de certains pesticides interdits chez nous était répandus ont plus fréquemment de l’endométriose), l’âge des premières règles, le nombre de grossesses, l’alimentation (et notamment le poisson ou le poulet – à cause de la teneur en PCB)… « On entend souvent dire que la Belgique est un pays fort pollué, avec un haut taux de dioxines et d’endométrioses, mais en réalité, je pense que la situation n’est pas plus grave chez nous qu’ailleurs. Tout simplement, chez nous, on s’en inquiète et on effectue les examens indispensables pour essayer de poser un diagnostic précoce ! » C’est effectivement plus rassurant vu comme cela !
Une spin-off en gestation
Une autre étape sera d'identifier des biomarqueurs de l'endométriose qui permettraient de poser un diagnostic d’endométriose à partir de biopsies d’endomètre, ou même à partir du sang menstruel, qui contient des cellules d’endomètre desquamées. Pour ce faire, il faut comparer l’endomètre des patientes qui ont de l’endométriose à celui de femmes qui n’en ont pas, et voir s’il y a des différences au niveau de l’expression des gènes. Ce volet de la recherche se fait avec le service d’anatomo-pathologie du professeur Philippe Delvenne. « C’est un peu comme chercher une aiguille dans une meule de foin : les chercheurs essaient d’identifier dans l’endomètre pathologique des gènes qui sont exprimés différemment par rapport à l’endomètre de femmes normales. » Un travail de longue haleine donc, mais qui commence à porter ses fruits. Plusieurs gènes ont déjà été identifiés et une spin-off est en gestation pour exploiter les brevets qui seront bientôt déposés…
Pouvoir établir une prédisposition à l’endométriose permettrait de poser le diagnostic plus tôt, et donc de proposer un traitement plus précoce. « Puisque l’endométriose se développe très tôt après la puberté, il n’est pas rare d’en trouver déjà beaucoup chez une jeune fille de 18 ans. On pourrait alors lui proposer, par exemple, de bloquer ses règles jusqu’à un désir de grossesse, ce qui contrecarrerait l’aggravation de la pathologie. » Plus futuriste : en utilisant des techniques visant à contrecarrer l’action des mi-ARNs ainsi identifiés, on pourrait peut-être même tenter de neutraliser cet endomètre ectopique. Mais ce n’est sans doute pas pour demain. Après-demain peut-être ?