Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Comprendre et soigner l’endométriose
18/12/2012

La formation de nouveaux vaisseaux lymphatiques, quant à elle, ne répond pas à un besoin de recevoir des moyens de subsistance, mais bien d’essaimer à distance. « Or quand on analyse des ganglions présents dans les pièces opératoires après intervention pour endométriose digestive, on peut y trouver de l’endomètre (3) ; on peut donc bien établir un parallélisme avec la propagation d’une tumeur cancéreuse », commente Michelle Nisolle.

Question qui nous vient assez logiquement à l’esprit : les femmes sujettes à l’endométriose présentent-elles donc aussi un risque accru de cancer ? Oui et non. « En fait l’endométriose elle-même se cancérise rarement, mais si on laisse évoluer la lésion après cinquante ans, il y a quand même un petit risque. On préconise alors l’exérèse pour cette raison. Par contre, il a été démontré que ces femmes ont un risque statistiquement plus élevé de maladie de Hodgkin et de mélanomes. La prudence est donc de mise. »

Une fibrose bien gênante

Mais l’élément sur lequel les recherches de Michelle Nisolle ont été les plus poussées est probablement la fibrose secondaire à l’implantation d’îlots d’endométriose, en particulier dans la paroi rectale. « La fibrose est une évolution naturelle des lésions inflammatoires d’endométriose ; elle est d’ailleurs parfois synonyme d’une guérison spontanée (dans les meilleurs cas) mais le plus souvent, elle correspond à une ou de la réaction du tissu hôte infiltré par les cellules endométriales.  Au niveau du rectum, la fibrose infiltre la paroi et provoque une rétraction des tissus, ce qui diminue le diamètre intérieur de l’organe. C’est un phénomène mal connu et pourtant très important, souligne-t-elle, parce que c’est ce qui explique pourquoi certaines patientes ont tellement mal. Officiellement, cela ne concerne que 5% des endométrioses, mais ce chiffre désigne les endométrioses rectales avérées ; il ne tient pas compte des endométrioses du petit bassin qui s’infiltrent vers le vagin et le rectum. Donc le problème est en réalité bien plus important. » Très souvent, on traite cela par une résection de cette portion terminale d’intestin, une opération qui n’est pas dénuée de risques (lâchage de sutures, péritonite fécale…). « Je me bats pour qu’on propose à ces femmes un traitement moins délabrant. D’abord en posant le diagnostic plus rapidement pour éviter des situations trop complexes, et ensuite en mettant au point une technique opératoire plus conservatrice, en tentant de « raser » le rectum plutôt que de l’enlever systématiquement. Nous travaillons pour cela en collaboration avec les chirurgiens digestifs. »

Trouver un abord chirurgical plus respectueux de l’anatomie est une chose, comprendre le pourquoi de la fibrose en est une autre. Dans son souci de toujours lier clinique et recherche, Michelle Nisolle a donc également exploré ce phénomène en laboratoire. « Toujours avec notre modèle expérimental murin, nous avons étudié la transplantation de lésions d’endométriose chez deux types de souris, les unes totalement immunodéficientes (souris SCID) et les autres seulement partiellement immuno-déficientes (souris nude). On voit l’endomètre transplanté sous la peau suscite une réaction fibreuse très importante chez la souris nude et pas chez l’autre, où la lésion garde ses caractéristiques morphologiques typiques de l’endomètre. En d’autres mots, chez la souris totalement immunodéficiente, l’endomètre continue à se développer normalement, tandis que chez les animaux qui ont des capacités de réponse immunitaire, nous obtenons un modèle d’endométriose telle qu’on la voit chez nos patientes. » Ce qui veut dire, en termes cliniques, que quand l’endométriose s’accompagne d’une fibrose marquée, c’est parce que l’endomètre en situation ectopique engendre autour de lui une réaction immunitaire plus importante du tissu-hôte. Savoir que c’est la réaction inflammatoire qui crée la fibrose – et non l’endomètre ectopique lui-même qui se fibrose – pourrait avoir un impact sur le plan thérapeutique. Identifier les acteurs moléculaires responsables de cette fibrose permettrait de développer de nouvelles stratégies pour inhiber cette interaction cellules endométriales-tissu hôte.

(3) Brichant G, Blacher S, Alvarez ML, Munaut C, Foidart JM, Nisolle M. Computer-assisted quantification of angiogenesis in deep infiltrating endometriosis. 2012 (soumis à Human Reproduction).

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 suivante

 


© 2007 ULi�ge