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La vie intime des poissons-clowns
10/12/2012

Les poissons-clowns vivent par petits groupes en symbiose avec une anémone de mer. Après avoir montré en 2007 que les sons d'agression des poissons-clowns résultaient du claquement de leurs dents buccales, les chercheurs du Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive de l'Université de Liège se sont intéressés au rôle joué par les signaux acoustiques d'agression et de soumission dans le mode de vie des petits groupes de poissons-clowns. Orphal Colleye a ainsi mis en évidence la manière dont les signaux acoustiques produits par ces poissons participent à la régulation des relations très hiérarchisées au sein de ces petits groupes où chacun, asexué au départ, attend son tour avant de devenir d’abord mâle puis femelle. Et Nemo alors ? Hélas, le dessin animé nous a trompés !

Il existe 29 espèces de poissons-clowns. Membres de la famille des Pomacentridae, elles appartiennent presque toutes au genre Amphiprion, une seule, rangée dans le genre Premnas, faisant exception à la règle. Les poissons-clowns se rencontrent dans les récifs coralliens de l'océan Indo-Pacifique, où ils vivent par groupes en symbiose avec une anémone de mer. Leur survie requiert ce mutualisme. Assez mauvais nageurs dans la plupart des cas, ils doivent en effet se cantonner la majeure partie du temps dans un refuge adapté, sous peine de devenir des proies faciles.
Amphiprion-frenatus-(couple)
Adaptée à leur besoin de protection, l'anémone l'est assurément car les poissons-clowns, contrairement à leurs prédateurs, sont immunisés contre les attaques urticantes auxquelles elle se livre, via ses tentacules, pour paralyser les intrus. Toutefois, si le poisson-clown de Clark (Amphiprion clarkii), par exemple, est capable de vivre dans une dizaine d'espèces d'anémones de mer, d'autres, tel le poisson-clown tomate (Amphiprion frenatus), ne peuvent trouver asile que dans une seule d'entre elles.

La vie au « village » est assez particulière. Tout d'abord - mais cela n'est pas vraiment exceptionnel -, c'est la femelle qui porte la culotte. Et pour cause : elle contrôle le changement de sexe. Si elle vient à mourir ou à disparaître pour une quelconque autre raison, son compagnon attitré, le mâle dominant, se mue en femelle. Et cela entraîne une révolution de palais. De fait, autour du « couple légitime » gravite un petit nombre de poissons immatures (quatre ou moins suivant les espèces) dont les gonades ne sont pas encore sexuellement fonctionnelles. Hiérarchisés sur la base de leur taille respective, ces individus attendent leur tour dans la file, prêts à gravir les échelons qui, au gré des disparitions de congénères, les conduiront à la reproduction en tant que mâle dominant, puis en tant que femelle.

Comme le précise Orphal Colleye, assistant au Département de Biologie, Écologie, Évolution de l'Université de Liège (ULg) et chercheur postdoctorant au Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive de la même institution, les poissons-clowns sont des hermaphrodites protandres. « En d'autres termes, dit-il, ils ont pour caractéristique de devenir mâles avant de se transformer ultérieurement en femelles lors de leur accession à la maturité. Ils se distinguent ainsi de nombreuses autres espèces de poissons, pour lesquels l'hermaphrodisme est protogyne - l'individu acquiert d'abord les caractères sexuels femelles et ensuite mâles. »

Résumons-nous. Dans l'anémone, une femelle, un mâle, quelques immatures subordonnés. Si la femelle disparaît, le mâle devient femelle et l'immature doté de la plus grande taille devient mâle. Si c'est le mâle qui disparaît, la femelle se trouve un nouveau « conjoint » en la personne du plus grand des immatures, lequel aura acquis les caractères sexuels mâles. Dans ces deux cas de « familles recomposées », chaque immature monte un barreau de l'échelle qui doit le mener à la reproduction.

Et Nemo alors ? Le dessin animé nous aurait-il berné ? Eh oui, cruelle désillusion ! Seul rescapé des œufs déposés sur un coin de rocher au pied de l'anémone familiale, le petit poisson n'aurait pu passer sa vie sous la protection de son père après que sa mère eut été mangée par un barracuda. Non, son père serait devenu mère et lui-même, Nemo, lui aurait donné une progéniture en temps voulu...

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