Éthique aux confins de la vie et de la mort
Une discordance qui interpelleEn 2011, nous avons relaté les premiers résultats d'une vaste enquête menée entre septembre 2007 et octobre 2009 auprès de plus de 2 000 professionnels européens de la santé - environ deux tiers de médecins et un tiers de membres du secteur paramédical. À l'issue de chaque conférence ou congrès scientifique auquel il avait pris part durant cette période, Steven Laureys soumettait aux participants une série de questions qui furent ensuite analysées par le docteur Athena Demertzi, neuropsychologue membre de son équipe. « Au préalable, les personnes interrogées avaient reçu une information détaillée sur ces états de conscience particuliers (états altérés de conscience), écrivions-nous en 2011 (lire l'article L'éthique de la mort). Il leur était ensuite demandé de répondre par oui ou par non aux questions posées. Pour permettre une interprétation plus fine des résultats, cinq données démographiques furent également collectées chez chaque participant : l'âge, le sexe, la nationalité (32 pays répartis en 3 zones géographiques – nord, centre et sud de l'Europe), la profession et les croyances religieuses – plus exactement le fait de croire ou non en Dieu et d'adhérer à une religion institutionnalisée (christianisme, islam, judaïsme...) sans nécessairement être pratiquant. » Parus dans le Journal of Neurology(2), les résultats dont nous avions déjà connaissance en 2011 nous apprennent tout d'abord que 66% des personnes interrogées jugent acceptable de stopper le traitement (nutrition et hydratation artificielles) des patients en état végétatif chronique, c'est-à-dire plongés dans cet état depuis plus d'un an. Ils ne sont cependant plus que 28% à estimer cette mesure justifiée lorsqu'elle s'adresse à des patients en état de conscience minimale chronique. Que révélaient les deux dernières questions analysées en 2011 ? En premier lieu, que 80% des personnes interrogées trouvaient pire, pour une famille, qu'un de ses membres soit en état végétatif plutôt que mort, 55% de l'échantillon estimant par ailleurs qu'il vaut mieux mourir que de survivre dans cet état d'inconscience. Ces pourcentages peuvent se comprendre aisément dans la mesure où, dépourvu de conscience, le patient en état végétatif ne souffre pas, contrairement à sa famille. Second verdict : si l'on se glisse dans la peau du patient, l'état de conscience minimale est pire que l'état végétatif aux yeux de 54% de l'échantillon ; toutefois, si l'on se place au niveau de la famille, cette opinion n'est plus partagée que par 42% des personnes interrogées. « Certaines familles se contentent de quelques signes de conscience résiduelle, comme un sourire adressé à une mère ou à un père », rapporte Steven Laureys pour expliquer ces chiffres. ![]() (2) A. Demertzi, D. Ledoux, M.-A. Bruno, A. Vanhaudenhuyse, O. Gosseries, A. Soddu, C. Schnakers, G. Moonen, S. Laureys, Attitudes towards end-of—life issues in disorders of consciousness : a European survey, J. Neurol, 2011. |
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