Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

La vie culturelle liégeoise des années 1980
21/11/2012

fanzineLa bande dessinée

Avec la bande dessinée que le numéro d'Art&fact aborde ensuite, on change tout à fait de ton. Pas de volonté de synthèse ici, encore moins d'essai de recensement. Non, c'est à une plongée dans le monde des jeunes « fanzineux » liégeois que le lecteur est convié, ces adeptes de petites revues à faible diffusion tels que Höla. Quelques couvertures de cette publication déjantée, autoproclamée drôle, sont notamment reproduites, agrémentées d'une série de dialogues débridés de praticiens en herbe de la BD, pour la plupart sortis de l'Académie royale des Beaux-Arts de Liège. Hommage y est quand même rendu, sans avoir l'air d'y toucher, à plusieurs professeurs de cette institution auprès desquels ces louveteaux rebelles ont fait leurs dents et leurs premiers cartoons. Un constat y est fait aussi, imparable : après la disparition des revues emblématiques Charlie, Métal Hurlant, Tintin, Circus et Pilote – rachetées par de grands groupes éditoriaux portés à l'hyper-standardisation  des contenus –, l'heure est à la philosophie éditoriale du « do it yourself ». Affaire à suivre.

La littérature

La littérature, elle, a connu un véritable foisonnement au cours de la décennie 1980.  Nombreux en sont les représentants dont les noms sont minutieusement repris dans l'article très fouillé qui leur est consacré. En dépit de l'extrême diversité qui les caractérise, existe-t-il malgré tout une certaine parenté entre ces auteurs liégeois ? Du moins, relativement au rapport qu'ils entretiennent avec leur ville, leur région, Bruxelles et... Paris. Le modèle gravitationnel mis au point par le Pr émérite Jean-Marie Klinkenberg  éclaire, dans une certaine mesure, cette problématique : à la phase d'indépendance – dite « centrifuge » – allant de 1830 à 1920 et au cours de laquelle les écrivains belges revendiquent leur « nordicité » succède une phase de dépendance – appelée  « centripète » – qui va de 1920 à 1970  et  durant laquelle il est de bon ton de s'assimiler à la sphère française. La troisième, où s'inscrit la décennie 1980, peut être qualifiée de « dialectique » : avec l'émergence du concept de « belgitude », il n'est plus question de nier son identité nationale. A Liège cependant, cité principautaire comme chacun sait, les choses ne sont pas aussi simples, du fait même de l'insularité qui l'habite et qui se conjugue de multiples façons chez ses écrivains. Echeveau complexe bien difficile à dévider, à vrai dire, tant sont riches des individualités comme celles des poètes Jacques Izoard et François Jacqmin, des romanciers Paul Biron, Conrad Detrez et René Swennen, pour ne mentionner que les principaux retenus ici – le cas d'Eugène Savitzkaya faisant, pour sa part, l'objet d'une auscultation particulièrement attentive.    

De poésie, il en est encore question dans le chapitre qui succède à celui, plus général, qui vient d'être réservé aux lettres. Là aussi se marque une transition : les figures majeures que furent en particulier Marcel Thiry, Elise Champagne et Robert Vivier disparaissent tour à tour, laissant la place à un certain repli, caractérisé par un champ créatif et éditorial à la fois appauvri et dispersé. C'est ainsi que, malgré la publication de l'Anthologie 80. Bilan et perspectives de la poésie franco-belge-québécoises (1981) et la belle santé de la revue Mensuel 25 (organe de la maison d'édition L'Atelier de l'Agneau, fondée en 1973), quantité d'autres n'ont pas atteint le cap de la décennie 1980 – Quetzalcoatl (1973-1978), Panique (1974-1976), Varech (1975-1977), Odradek (1973-1979) – au au même titre que plusieurs petites maisons d'édition de la région liégeoise vouées à la poésie. Font sensiblement exception à ce sombre tableau les revues Ecritures multiples, née à Amay en 1981, et L'Arbre à Paroles qui lui succède deux ans plus tard et qui existe toujours ; Le Tétras Lyre, pour sa part, publie à Liège à partir de 1989. On ne peut donc pas parler d'une morte saison, surtout si l'on se souvient de l'intense activité qu'a déployée Jacques Izoard durant le cadre temporel envisagé, activité qu'il mit sans ménagement au service de jeunes talents poétiques tels que ceux d'Eugène Savitzkaya et de tant d'autres comme Joseph Orban, Béatrice Libert, Karel Logist, Frédéric Saenen, Serge Delaive, etc.

Page : précédente 1 2 3 4 suivante

 


© 2007 ULi�ge