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La vie culturelle liégeoise des années 1980
21/11/2012

Il en va souvent des revues comme de certaines amours. Elles naissent d'un coup de cœur partagé, se nourrissent tout un temps de l'enthousiasme de leurs fondateurs et puis, la lassitude ou des difficultés – notamment financières – aidant, se meurent à petit feu. Tel n'est pas le cas de celle qui porte le nom d'Art&fact dont le numéro 31 – publié à l'occasion du trentième anniversaire de l'association des diplômés en histoire de l'art, archéologie et musicologie de l'ULg – est consacré aux années 1980 à Liège. C'est peu dire qu'elle tient manifestement la forme.
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En 2010 sortait l'ouvrage collectif Le tournant des années 1970. Liège en effervescence, publié sous la direction de Nancy Delhalle et Jacques Dubois, avec la collaboration de Jean-Marie Klinkenberg (Lire l’article). Il revisitait une époque où Mai 68 était encore dans toutes les mémoires et où, stimulée par une ferveur volontiers militante, la perspective d'un avenir radieux fécondait les créations en tous genres. Les moins jeunes, à coup sûr,  se souviennent avec nostalgie de ces années de bouillonnement culturel. La Cité ardente s'est-elle assoupie durant la décennie suivante ? Ce n'est pas l'impression qui se dégage à la lecture de ce numéro historique de l'asbl Art&fact née en 1982. On n'y retrouve certes pas la ferveur, voire l'euphorie, de la période précédente où aucun obstacle économique ne paraissait entraver les initiatives. Par contre, même si selon les mots de Julie Bawin ces « années 1980 sont sujettes à des appréciations aussi diverses que contradictoires » et constituent à coup sûr une période de transition, on ne manque pas de déceler chez leurs représentants un cocktail fait de lucidité et de scepticisme, indices caractéristiques de ce temps de crise ou de rupture sociétale qu'est devenue alors notre postmodernité, à Liège tout particulièrement. C'est là un état d'esprit répandu qui amène les créateurs de la période à percevoir avec acuité non seulement la relativité des choses, mais aussi l'intérêt qu'il y a à redécouvrir sans a priori le legs des devanciers. Puisque les lendemains ne chantent décidément plus et que diffuser une œuvre nouvelle s'avère très difficile, on se regroupe de-ci de-là, de quoi mieux se soutenir. Et tant mieux si l'on taille alors des croupières à la culture officielle ! 

Les arts plastiques

Le parcours du champ créatif liégeois que nous offre la rétrospective de ce numéro de la revue s'ouvre avec une série d'entretiens relatifs aux arts plastiques. S'y dessine dans le domaine concerné, à la faveur d'interviews lestées de la densité du vécu, une cartographie culturelle qui témoigne du foisonnement de l'avant-garde liégeoise au cours de la tranche chronologique envisagée. Jacques Charlier, Patrick Corrillon, Alain Denis, Jean-Pierre Ransonnet, Jacques Lizène et Léon Wuidar évoquent ainsi successivement leurs souvenirs. On est dès lors, privilège appréciable, en prise directe avec chacune des sensibilités de ces artistes.

Mais que seraient ces plasticiens sans les lieux de création et de promotion ?  Les principaux endroits dédiés aux arts plastiques et démarches novatrices doivent beaucoup, en réalité, au dynamisme des années 1970. Et ici se détachent la galerie Véga, fondée en 1972 par Manette Repriels et dont le caractère international ne tardera pas à être reconnu, ainsi que le Cirque Divers, installé dans la rue Roture en 1977 et animé par Michel Antaki. Même si les galeries restent dans une large mesure les parents pauvres des années 1980, celles-ci voient tout de même la mise en place par de jeunes artistes de nouveaux centres d'exposition et d'épanouissement : ce sera L'A, fondé par Jean-Pierre Ransonnet, Marie-Henriette Nassogne, Guy Vandeloise et Juliette Rousseff ; ce sera aussi, installé dans le siège administratif d'un ancien charbonnage rue Vivegnis, Espace 251 Nord qui voit le jour grâce à Laurent Jacob et Johan Muyle. Entreprises auxquelles il importe d'ajouter celle de Daniel Dutrieux, premier initiateur d'un art public urbain, et La Châtaigneraie, bâtiment flémallois datant du XIXe siècle désormais dévolu à la promotion artistique et aux expositions.

Le même souci d'ouverture à la société a animé la création du Musée en Plein Air du Sart Tilman, qui doit beaucoup à l'architecte Claude Strebelle ainsi qu'à son conservateur Jean Housen. La philosophie générale de cette institution muséale hors du commun était déjà contenue dans ses statuts datant de 1977 : « L'association [l'asbl] a pour objet la promotion des arts plastiques et l'animation culturelle qui s'y rapporte, ce, pour le public le plus large dans le domaine universitaire du Sart Tilman. » A ce jour, dans ce site boisé, sont établies un peu plus d'une centaine d'œuvres répondant à la préoccupation constante d'intégrer arts plastiques et architecture. Rien de plus agréable pour les déambulations champêtres et autres rêveries solitaires...

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