Les bêta-lactamases, armes bactériennes contre les antibiotiques
Neutraliser les bêta-lactamasesDès les années 50, les scientifiques se sont aperçus que plus on avait recours aux antibiotiques de la famille de la pénicilline, plus les bêta-lactamases se répandaient. La résistance des bactéries aux antibiotiques s’intensifiait. C’est alors qu’a commencé une véritable course poursuite entre les industries pharmaceutiques et les chercheurs d’une part et les bactéries d’autre part. Les premiers tentant de trouver de nouvelles molécules pour lutter contre cette résistance bactérienne, les secondes développant sans cesse de nouvelles bêta-lactamases. « De nouvelles enzymes de ce type naissent à partir de mutations de bêta-lactamases existantes », explique Jean-Marie Frère. « Les bactéries ont la force du nombre. Même s’il n’y a qu’une chance sur un milliard pour qu’une telle mutation se produise, les bactéries se divisent tellement rapidement que cette mutation finit par se présenter. Si vous avez une chance sur un milliard de gagner au Lotto mais que vous achetez un milliard de tickets, vos chances de gagner deviennent bien réelles! ». Cette course poursuite a mené le monde scientifique à la mise au point de deux tactiques de lutte contre la résistance des bactéries. « La première consiste à déguiser la pénicilline de sorte que les bêta-lactamases ne reconnaissent plus l’antibiotique. Le noyau bêta-lactame est bien présent mais caché grâce à une enveloppe de substituants destinée à tromper les bactéries », indique Jean-Marie Frère. « La seconde tactique vise à trouver des composés capables de détruire les bêta-lactamases. Les médicaments qui en découlent peuvent être comparés à un fusil à deux coups : l’un permettant d’évincer les bêta-lactamases et l’autre d’atteindre la cible physiologique de l’antibiotique, une transpeptidase participant à la synthèse de la paroi bactérienne. C’est ainsi qu’est apparu l’Augmentin », poursuit Jean-Marie Frère. Une variante très gênanteDepuis les années 90, une nouvelle famille de bêta-lactamases, d’abord considérée comme une simple curiosité biochimique, met des bâtons dans les roues des chercheurs. Ces enzymes appelées métallo-bêta-lactamases contiennent du zinc et présentent deux propriétés gênantes. « Elles échappent à l’action des inactivateurs et elles détruisent à peu près tous les antibiotiques fabriqués pour lutter contre les bactéries produisant des bêta-lactamases », reprend Jean-Marie Frère. En 2009, la bactérie baptisée NDM-1 (pour « New Delhi Metallo-bêta-lactamase -1») a fait grand bruit suite à l’infection d’un touriste suédois séjournant en Inde (lire Une superbactérie asiatique détruit tous les antibiotiques). « Il existe cinq variétés de cette bactérie qui sont toutes aussi désagréables les unes que les autres », souligne le Professeur. « Ce qui rend ces bactéries dangereuses, c’est que le matériel génétique qui code pour la bêta-lactamase à zinc est accompagné de toute une série de gènes de résistance à bien d’autres familles d’antibiotique que celle de la pénicilline », précise-t-il. Ces bactéries sont donc très difficiles à éradiquer. Seuls un ou deux antibiotiques « un peu exotiques » et entraînant de sérieux effets secondaires permettent de s’en débarrasser. Nous n’avons donc pas grand chose pour nous défendre contre les bactéries produisant des bêta-lactamases à zinc. Et un « détail » complique encore les choses : « Notre organisme contient naturellement beaucoup d’enzymes à zinc. Il n’est donc pas évident de mettre le doigt sur des composés qui puissent mettre les métallo-bêta-lactamases hors d’état de nuire sans affecter nos propres enzymes », explique Jean-Marie Frère. Page : précédente 1 2 3 suivante
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