Des inspecteurs sur le terrain
C’est l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui se charge de contrôler le respect des utilisations autorisées aux ENDAN. Le recours à l’Agence pour assurer les tâches de vérification permet, par son indépendance présumée, de rendre ces contrôles politiquement acceptables pour les Etats destinataires. Mais le problème est que les systèmes de garantie de l’AIEA ne concernent qu’une partie des biens que le droit nucléaire soumet à une autorisation de transfert. En effet, l’essentiel des vérifications porte, historiquement, sur les matières brutes ou fissiles spéciales, et pas sur les équipements, technologies, installations, etc. Pourquoi ? Parce qu’au début des années 1950, on pensait que les gisements d’uranium étaient si rares et si localisés sur la planète qu’un État « proliférant » ne pourrait y accéder à l’insu des principaux États fournisseurs. Dès lors, un contrôle des matières paraissait largement suffisant. Exemple concret : si telle quantité de matière nucléaire a « disparu » du circuit normal, les vérificateurs de l’AIEA peuvent suspecter un usage frauduleux. Mais la découverte d’un nombre croissant de mines d’uranium a rendu cette vision obsolète et incité les Etats fournisseurs à se préoccuper plus activement des transferts d’équipements et de technologies. Sans réussir, toutefois, à mettre en œuvre un système de vérification qui garantirait que l’utilisation de ces biens est vraiment conforme à l’objectif « civil » qui a été déclaré.
Le système instauré par le TNP a un objectif technique précis : détecter, en temps voulu, le détournement de quantités significatives de matières nucléaires des activités pacifiques vers la fabrication d’armes nucléaires, et dissuader tout détournement par le risque d’une détection rapide. Il ne s’agit pas d’apporter la preuve qu’une arme atomique est clandestinement fabriquée, mais simplement d’établir que de la matière nucléaire a disparu du circuit normal.
Aujourd’hui cependant, le système de garanties doit vérifier non seulement si les déclarations des États sont exactes, mais également si elles sont exhaustives, complètes : on cherche ainsi à s’assurer qu’il n’y a pas d’activités nucléaires non déclarées. En plus de la comptabilité régulière des flux de matières nucléaires et des informations précises et régulières sur toutes les activités liées au cycle du combustible nucléaire, le système de garanties permet à l’AIEA d’effectuer régulièrement des vérifications sur le terrain. Elles sont réalisées par des inspecteurs de l’Agence, désignés en accord avec l’État contrôlé. Lors de ces vérifications sur place, les inspecteurs examinent la comptabilité des matières nucléaires, mais peuvent aussi procéder à des mesures indépendantes, prélever des échantillons dans l’environnement, poser des scellés et d’autres dispositifs d’identification et d’indication de fraudes, etc. Ils jouissent, sur le territoire de tous les États membres, de la capacité juridique et des privilèges et immunités nécessaires à l’exercice de leur fonction.
Toute violation de l’accord de garanties constatée par les inspecteurs de l’AIEA est portée à la connaissance de la hiérarchie de l’Agence, qui en informe tous les États membres et saisit le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de l’ONU. Une fois informés, les États peuvent décider d’agir individuellement et/ou collectivement. Les sanctions peuvent être soit d’ordre politique (rupture des relations diplomatiques), soit d’ordre économique (embargo), et même d’ordre militaire.
Jusqu’en 1991, la procédure d’alerte semblait n’avoir qu’un effet marginal sur un État qui optait délibérément pour la dissimulation. Mais les choses semblent avoir changé cette année-là, lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU prit, pour la première fois, une décision relative à une violation manifeste du système de garanties de l’AIEA, condamnant l’Irak et autorisant, contre Bagdad, des sanctions impliquant, si nécessaire, le recours à la force. Les sanctions infligées à l’Irak suite à la découverte de son programme clandestin (élimination des armes de destruction massive, des moyens de lancement des missiles, etc.) ont eu, sans nul doute, un effet dissuasif vis-à-vis des États potentiellement intéressés par l’élaboration d’armes nucléaires.
Plus récemment, l’embargo iranien est un autre exemple de sanctions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Au total, 4 résolutions ont été votées à la quasi-unanimité de 2006 à 20010. La cause principale de ces mesures était la réticence des autorités iraniennes à se conformer aux requêtes de l’AIEA, en particulier de fournir la liste de l’ensemble de ses installations nucléaires et d’en autoriser l’accès aux inspecteurs de l’Agence. Si le ton de ces résolutions tend à se durcir, elles consistent, pour l’essentiel, en une restriction de plus en plus sévère des échanges commerciaux de biens nucléaires et apparentés avec l’Iran, mais elles ne permettent pas le recours à la force, à l’instar de ce qui fut imposé à l’Irak en 1991.