Ces différents « instruments informels » ont été créés, de manière successive, pour pallier aux déficiences de ceux qui les ont précédés, et qui n’ont pu empêcher l’apparition de nouvelles puissances nucléaires. Certains de ces accords demeurent confidentiels, voire secrets. Est-ce à dire que de tels « instruments » sont dépourvus de toute valeur juridique obligatoire ? Pas si vite ! Ces actes créent des obligations de comportement à charge des Etats participants ; ce sont de véritables engagements conventionnels, des « contrats ». Et, si l’irrespect des obligations qui en découlent n’est pas sanctionné par le droit, il le sera d’une autre manière. Si un État manque à ses engagements dans le cadre d’un accord informel, il sera rapidement sanctionné diplomatiquement, voire économiquement, par les autres États partenaires.
Les « instruments informels » en matière de prolifération nucléaire ont pour objectif d’organiser, selon des normes précises, les relations de commerce nucléaire des États participants, tant entre eux que vis-à-vis des États tiers. Et le non-respect, par un État, des engagements qu’il a pris, risque toujours de provoquer une riposte immédiate des autres États qui, eux, ont privilégié leurs engagements politiques sur leurs intérêts économiques et commerciaux, en refusant d’entrer en compétition pour l’octroi d’un marché douteux.
Brider les tentations du commerce
Les quatre instruments informels de non-prolifération des armes nucléaires instaurent plusieurs régimes de contrôles des transferts. Le Comité Zangger se rattache explicitement au TNP. Il complète et interprète ses dispositions interdisant le transfert de biens relatifs à l’arme nucléaire aux pays qui ne la possèdent pas. Autre « instrument informel », le NSG (Nuclear Suppliers Group, c’est-à-dire le Groupe des pays fournisseurs de biens nucléaires) a pour objectif une harmonisation des politiques de transferts de biens nucléaires entre les principaux États détenteurs et fournisseurs de connaissances nucléaires. Ces pays s’efforcent de s’accorder sur des règles minimales de concurrence, afin d’éviter de porter préjudice à la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Pour être concret et le dire un peu « platement », le NSG est régulièrement amené à « resserrer les boulons » lorsqu’il apparaît que certains de ses États membres ont contribué, volontairement ou non, à des comportements proliférants de certains pays. Ce fut le cas, notamment, avec le programme nucléaire clandestin de l’Irak et au vu du comportement de la Corée du Nord. Ces « comportements déviants » ont conduit les membres du NSG à une sévérité accrue dans le transfert des biens à double usage.
Le MTCR (Missile Technology Control Regime) vise à coordonner les politiques pour éviter qu’un transfert de technologie relative aux missiles ne contribue à l’utilisation et à la prolifération d’armes de destruction massive.
L’arrangement de Wassenaar, conçu dans une perspective plus globale, se donne pour objectif de « contribuer à la sécurité (…) internationale en encourageant la transparence et une plus grande responsabilité des transferts d’armes conventionnelles, des biens et technologies à double usage, afin de prévenir toute accumulation déstabilisatrice », notamment dans les zones à hauts risques. Les transferts de biens à double usage sont de plus en plus strictement encadrés.
L’analyse des différents instruments, formels (TNP) comme informels, montre que la coordination des régimes nationaux de contrôle des transferts nucléaires dépend fortement de la volonté politique des États et des rapports de force qu’ils nouent entre eux. Ce facteur conditionne la mise en conformité des systèmes législatifs nationaux et leur mise en œuvre, dans la mesure où les États membres assument leurs obligations en fonction du crédit qu’ils accordent à une application au moins équivalente des autres pays. Trivialement dit : puisqu’on fait tous du commerce, ne nous montrons pas plus catholiques que le pape, au risque de rater des commandes !